En mars 2020, lorsque la pandémie est arrivée, Manon Turina et François Marques travaillaient depuis six mois à Londres dans le marketing et le management. Ils adoraient leur métier et leur vie agitée de citadins. Comme tout le monde, ils se sont subitement retrouvés enfermés chez eux à travailler à distance. Le second se rappelle :
"Les artifices qu’offre une grande ville – ses bars, ses cinés, ses théâtres et ses restaurants- disparus, la nature s’est mise à nous manquer et ce manque nous a conduit à réfléchir. Le coronavirus nous en laissait le temps. Dans quel genre de ville voulions-nous vivre ? A quoi pourrait ressembler la ville de demain ?" Manon poursuit :
"Ni François ni moi n’étions spécialement écolos - plutôt dans le cliché des gens qui sortent d’une école de commerce et rêvent d’une vie à mille à l’heure. La ville à l’arrêt nous obligeait à nous poser. Nous nous sommes mis à fréquenter les parcs. On découvrait le silence alors que le bruit et la circulation ne nous avaient jusque-là jamais dérangés."
"La pollution baissait, les animaux se hasardaient dans les rues, la nature reprenait ses droits. Il était donc possible de vivre en ville de manière harmonieuse avec la nature. Il était peut-être encore temps de contrer le chaos auquel on nous prépare depuis tant d’années, de l’aménager du moins. Nous avons eu envie de bouger. D’agir."
"Et nous nous sommes plongés dans les solutions que proposaient les scientifiques."
Manon Turina et François Marques n'avaient aucune expérience dans le domaine de l’image. Au cours de leurs recherches, ils se sont rendu compte que beaucoup de solutions concrètes existaient déjà : "Pourquoi ne pas aller rencontrer ces gens qui les expérimentaient et apprendre à leurs côtés ?", raconte François, en ajoutant : "On ne pensait pas du tout au cinéma. C’était seulement une quête personnelle dont on espérait qu’elle déboucherait sur une action."
Manon se souvient : "Google nous a aidé à lister les centaines d’initiatives existantes. Puis nous avons approfondis nos recherches grâce à des livres qui traitent le sujet et en rencontrant des experts en visio.
"Ensuite, Il nous a fallu faire le tri, démêler les vraies bonnes idées des mauvaises - elles ont l’air fantastiques sur le papier mais leur impact se révèle carrément négatif une fois mises en oeuvre. Des experts que nous avons contactés nous ont guidé dans nos choix – « N’allez pas voir ça, c’est trop énergivore » ? etc.- Après, c’est le coeur qui a parlé."
François termine : "Au bout d’environ quatre mois, nous avions retenu un certain nombre de villes dans le monde qui faisaient face à des problèmes spécifiques-chaleur, pollution, bruit, eau, accès à la nourriture, déchets, contacts humains, contacts avec la nature…"
"Et des propositions de solutions imaginées par ceux qui y vivaient. La plus évidente, celle qui nous apparaissait comme LA solution et nous avait frappés d’emblée au début du confinement, était de reconnecter Hommes, Villes et Nature. Nous avions trouvé notre sujet."
La Belle Ville se divise en trois chapitres. Le premier, consacré à la végétalisation, mène le spectateur à Mexico, où Fernando Ortiz Monasterio a diminué la pollution de la ville en végétalisant les pylônes qui longent les routes. François Marques confie :
"Ce qu’a imaginé – et réalisé Fernando – est l’une des premières expériences qui nous a séduite lors de nos recherches. Ce que nous avons vécu durant les deux semaines passées au Mexique est allé bien au-delà de nos espérances."
Manon Turina ajoute : "Nous arrivions un peu en conquérants, certains de trouver des réponses à nos questions ; des projets révolutionnaires. Nous avons découverts une population qui vivait à un rythme différent, avec une manière d’appréhender la transition des villes totalement déconnectée de la nôtre."
"Non seulement Mexico testait, à son échelle, un très large spectre de solutions autour des trois thèmes qui nous concernaient – la végétalisation, l’agriculture urbaine et le compostage -, mais, là-bas, tout le monde, philosophes, chercheurs ou citoyens lambda, était impliqué."
"Les Mexicains sont fous de la nature. Ces gens sont très inspirants, Paco Ayala et Piero Batandiaran, de la Huerto Roma Verde, en particulier."
Manon Turina et François Marques n'avaient pas de producteur et aucune expérience en matière de post-production. Ils expliquent comment ils ont abordé la phase de montage : "Nous avions soixante-dix heures de rushes. Au bout de six mois de tournage, malgré les fonds collectés grâce au crowfunding et l’aide d’un partenaire - Accord Invest -, nous étions à sec."
"On pensait monter seul. Bidouiller. Nous avons eu une chance énorme : c’est le moment qu’ont choisi la métropole de Toulouse, la région Occitanie et Crédit Agricole Immobilier, pour accepter de soutenir notre projet. Nous avions de quoi rémunérer une équipe de professionnels pour travailler avec nous. Pas de bidouillage !"
"Autant nous avons géré nos choix, autant nous pouvions déléguer l’aspect technique de cette étape. C’était rassurant. Jour2fête, le distributeur est arrivé peu après. Ce film a vraiment été une aventure humaine fantastique tant pendant le tournage, la post production, et la distribution. En sortant de post-production, nous étions comme des fous."