Dans la catégorie "très grand cinéaste injustement oublié", je demande Richard Brooks. Réalisateur-scénariste, qui après une décennie 50 avec quelques réussites mais un peu trop cadrée par Hollywood, a donné lors des années 60 et 70 certaines des œuvres les plus fortes et corrosives du cinéma américain. "De sang-froid", adapté du roman de Truman Capote, qui relate un fait divers atroce, le massacre d'une famille, ayant réellement eu lieu, fait partie de celles-ci.
Ce que l'on ne peut pas reprocher au film, c'est d'essayer de mettre le spectateur à l'aise. La sensation de la malaise est toujours présente tout au long de l'ensemble, se montrant très habile pour qu'on se montre en empathie avec les futures victimes et les deux assassins,
par exemple en ne montrant l'exécution du massacre qu'après l'arrestation c'est-à-dire au bout de plus d'une heure
, ces derniers en les présentant dans la banalité de leur quotidien de minables escrocs, ayant pourtant commis froidement et sans remords un quadruple meurtre, qui continuent leur vie comme si de rien n'était ; la banalité du mal dans "toute sa splendeur"...
A la fin, en n'en disant pas trop sur la suite... disons qu'on ne parvient pas même à ressentir le moindre soulagement, on a l'impression que l'absurde règne. On ne sait pas trop quoi penser.
Quelques dialogues bien sentis, une interprétation parfaite, en particulier celle magistrale du charismatique Robert Blake en criminel (quand la réalité dépassera la fiction, mais là c'est un autre sujet...!!!), quelques scènes particulièrement inspirées, celles qui mélangent passé et présent notamment ou encore la séquence où le personnage joué par Blake, peu de temps avant son exécution, parle de son enfance et des relations avec son père le reflet d'une vitre noyée par la pluie sur le visage donnant ainsi l'impression que c'est sa figure qui se liquéfie.
"De sang-froid" est un film glaçant, dérangeant et implacable.