Aucun ours a obtenu le Prix spécial du jury au Festival de Venise 2022.
En détention depuis le 11 juillet 2022, Jafar Panahi n'a pas pu se rendre au Festival de Venise où Aucun ours était sélectionné. Il a toutefois adressé une lettre ouverte aux organisateurs, qu'il a co-signée avec son confrère Mohammad Rasoulof, lui aussi détenu depuis le 8 juillet. Voici le contenu de cette lettre :
« Nous sommes des cinéastes. Nous faisons partie du cinéma indépendant iranien. Pour nous, vivre c'est créer. Nous créons des œuvres qui ne sont pas des commandes, c'est pourquoi ceux qui sont au pouvoir nous voient comme des criminels. Le cinéma indépendant reflète son époque. Il s'inspire de la société. Et il ne peut y être indifférent. L'histoire du cinéma iranien témoigne de la présence constante et active de réalisateurs indépendants qui ont lutté pour repousser la censure et garantir la survie de cet art. Pendant que certains se voient interdire de tourner des films, d'autres sont contraints à l'exil ou réduits à l'isolement. Et pourtant, l'espoir de créer à nouveau est notre raison d'être. Peu importe où, quand et dans quelles circonstances, un cinéaste indépendant crée ou pense à la création. Nous sommes des cinéastes indépendants ».
Une manifestation de soutien s'est tenue sur le tapis rouge du festival, juste avant la projection officielle du film.
Jafar Panahi n'a plus l'autorisation de tourner depuis 2010. Tous ses films se font désormais de manière clandestine, en équipe réduite. Pour Aucun ours, il a effectué un long travail de repérage pendant trois mois et a trouvé le décor de son film dans un village près de Tabriz, à proximité des frontières de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie. Mais la présence de l'équipe a été dénoncée auprès des autorités, la forçant à fuir pour poursuivre le tournage dans d’autres villages alentour.
Jafar Panahi a fait appel à des acteurs professionnels mais aussi à des habitants du village où se tournait Aucun ours. Personne n'avait de scénario complet, mais seulement des bribes de textes et quelques éléments sur la scène. Le chef opérateur Amin Jafari raconte dans un entretien à Libération : "Il sait mettre les gens à l’aise puisqu’il leur explique qu’ils sont exactement les personnes qu’il cherchait et qu’ils doivent à ce titre se contenter de rester fidèles à ce qu’ils sont dans la vie de tous les jours. Il ne fait pas forcément de nombreuses prises, il ne fait pas de répétition mais, par moments, il bute sur un détail qui peut nous sembler à tous parfaitement anodin. [...] Mais, in fine, on s’aperçoit qu’il a raison."