Mi Bestia trouve sa genèse dans les souvenirs de Camila Beltrán, lorsqu'elle était adolescente à Bogota, et de ce jour particulier où les gens ont réellement cru que le Diable allait venir ! La réalisatrice se rappelle : "Partout, on ne parlait que de cela. Le point de départ de Mi Bestia vient de ce croisement entre l’adolescence d’une jeune fille et l’attente de cette prophétie."
Côté référence visuelle principale, Camila Beltrán cite le court métrage Valentin de las sierras de Bruce Baillie (1967), un film expérimental proche de la matière, de l’eau et de l’animalité. Elle confie : "Nous avons décidé de ne pas tourner à 24 images/sec mais à 16, 8, 12, ce qui crée plus ou moins de décalage et de flou dans le mouvement. En plus, on a trouvé en postproduction un moyen de simuler l’impression de plusieurs cadences au sein du même plan ; ce qui relève d’un travail artisanal de l’image numérique."
"Il s’agit d’enrichir les niveaux de perception de Mila. Nous avons voulu évoquer sa subjectivité, et assumer le fait que l’on se place toujours dans son regard à elle."
Pour la transformation de Mila, Camila Beltrán n'avait pas envie de faire appel à des VFX sophistiqués, comme elle l'explique : "Ce n’est pas une X (Wo)Man ! Ni une femme oiseau. Je voulais qu’à travers cette transformation s’incarne la métaphore de la vie animale, végétale et toute la puissance féminine. Ce n’était pas important pour moi d’avoir un rapport réaliste à la transformation, je cherchais plutôt une célébration de la vie par l’image et le son qui passerait par les branches, les matières, les plumes, les chuchotements..."
"Puis, à cette étape du film, je me suis souvenue d’une phrase de Robert Desnos : « Le vrai cinéma c’est aussi quand on voit la trace d’un baiser sur le support de l’écran ». J’aime l’artisanal, j’aime la possibilité de me dire : « oui c’est un film, ce n’est pas vrai, et alors ? ». J’ai voulu assumer l’aspect conte, fable, de cette histoire. C’est le cinéma que j’aime et que je voudrais continuer à faire !"
Les fêtes de la Lunada sont des fêtes dans des écoles avec des chants et des spectacles, pour récolter des fonds. "Dans mon film, la Lunada est associée à l’éclipse et à la prophétie, c’est une manière d’exorciser l’événement attendu. Je ne voulais pas faire un film trop intimiste. La fête me permettait de faire entrer le film dans la catégorie de ces teen movies fantastiques que j’aime tant, type Carrie", précise Camila Beltrán.
Pour trouver la comédienne qui allait jouer Mila, Camila Beltrán n'a pas fait de casting conventionnel. La réalisatrice se rappelle : "Alors j’ai réfléchi à l’envers : pour trouver mon personnage principal, je devais chercher mon personnage secondaire ! (rires) En effet, le postulat était que notre Dora, cette femme afro descendante, vivait certainement en banlieue, dans les quartiers où vit cette communauté, et instinctivement, j’ai pensé que Mila devait aussi vivre là."
"Je voulais que les deux comédiennes qui allaient incarner Mila et Dora partagent immédiatement une complicité, soit qu’elles se connaissent même déjà, soit qu’elles aient quelque chose de fort en commun. Et c’est comme ça qu’on est tombé sur Stella qui était quasiment la seule blanche à danser avec un groupe d’afro-colombiennes. Elle était très magnétique. Chaque semaine pendant deux mois, je venais travailler avec elle. Je voulais quelqu’un qui saurait incarner tous ces mystères et c’était elle."