Le polar nerveux et sous haute tension de Andrea Di Stephano commence bien, par un long plan séquence au dessus de la nuit milanaise, accompagné d’une musique entêtante qui pose d’emblée l’ambiance anxiogène d’un film qui ne nous lâche pas pendant deux heures. Andrea Di Stephano propose un polar qui, dans sa forme, ne manque pas de qualités. La musique est efficace, bien utilisée et parfaitement adaptée à son sujet, un peu électronique, un peu répétitive, parfaite pour un film noir. Le film est aussi habilement monté,
avec la technique bien connue qui fait que l’on revoit deux fois une scène, une fois au début et une fois au milieu du film, mais sous deux angles totalement différents, pour ne pas dire opposés
. Ce n’est pas inédit, mais c’est un petit effet qui fonctionne toujours. A part un petit flash back de 10 jours pour planter le décor, le film se déroule sur une seule nuit et nous offre une poignée de scènes très réussies, à commencer par la scène clef du film, dans le tunnel de sortie de l’autoroute : une scène très longue, qui va crescendo dans la tension nerveuse (pour le spectateur aussi !)
pour se terminer dans le feu et le sang. Installer le suspens par des petits détails (ici un véhicule qui manœuvre, ici un coup d’œil nerveux dans le rétro)
pour scotcher le spectateur à son siège, là encore ce n’est pas nouveau mais encore faut-il bien le faire, et ici c’est très bien fait. J’aime aussi la scène du téléphone :
Franco appelle un numéro et observe qui va décrocher, et de la découverte de qui va décrocher va décider de son destin
, la scène est bien amenée, bien calibrée, c’est du beau travail. Si on ajoute à cela une ville de Milan parfaitement filmée, quelques très jolis plans, un jeu avec la lumière bien pensé, on obtient un film très maitrisé et efficace, et on se dit que le film noir italien en a sous le pied. Pierfrancesco Favino campe un policier un peu débonnaire, probablement mal considéré par sa hiérarchie, un peu méprisé aussi sans doute. Dans un premier temps, il est totalement dépassé par la situation, enchaine mauvaises décisions sur mauvaises décisions. Et puis, forcé par les évènements, se met enfin, sur le tard, à agir enfin comme le policier chevronné qu’il est.
Il est évidemment un peu trop tard pour cela, car on se doute très vite que cette nuit scellera son destin, et pas pour le meilleur.
Il a une jeune épouse, une seconde noce, une jeune femme très volubile, un peu hors des réalités et un peu inconsciente des choses et qui ne lui facilite pas la vie cette nuit là, c’est le moins que l’on puisse dire. Linda Caridi donne corps à cette jeune femme et elle le fait tellement bien que son personnage en devient assez vite crispant. Les seconds rôles sont un peu éclipsés par ce couple infernal. Le scénario, dont il ne faut évidemment pas trop en dire, est à la fois simple et compliqué à décrypter. Sur le fond, on comprend vite dans quel nid de guêpe Franco à mis les pieds,
ce qui était inévitable dés le moment om accepte de travailler pour un vieux patriarche qui sent la mafia chinoise à plein nez (quel manque de discernement de la part d’un flic si intègre, on en reste confondu !). Le petit retournement de fin, le moment où Franco comprends qui l’a mis dans une situation impossible et pourquoi, est assez bien mené. Mais ne nous attendez pas à coup de théâtre spectaculaire, c’était malheureusement assez prévisible.
Dans la scène du tunnel, on reste aussi interdit par l’attitude d’affolement de Franco qui semble avoir oublié, sous l’effet de la panique, toute les leçons de la police de base : il utilise son portable,
il maquille grossièrement une scène de crime devant des dizaines de voitures qui passent, il oublie totalement que les tunnels routiers sont à 99% couverts par des caméras de surveillance, etc…
Est-ce une faiblesse du scénario ou bien la preuve que Franco est totalement dépassé par la situation ? Je ne sais pas, dans le doute on va considérer que c’est la seconde option. Je termine en disant que j’aime beaucoup la dernière scène, elle est très émouvante et apporte une touche finale sans apporter de conclusion franche.
La toute dernière image (un homme qui s’approche) ne donne pas la réponse : une arrestation ? Une exécution sommaire ? Un passant qui ne fait que passer ?
Jusqu’à la dernière image le film aura été malin et efficace.