D'aucun(e)s considèrent, à tort ou à raison, que ce n'est pas le meilleur film d'un des plus grands réalisateurs contemporains.
Peut-être...et alors ?
L'essentiel n'est-il pas que Ken Loach (et son fidèle scénariste Paul Laverty) persistent, envers et contre tout, à poser un regard lucide, intelligent et militant sur un monde en perte de mémoire, de repères, de perspectives ?
Certain(e)s leur reprochent également une approche jugée soit trop didactique ou versant dans un angélisme béat de mauvais aloi.
Apparemment nous n'avons pas vu le même film ou alors pas avec les mêmes lunettes !
En quoi montrer et démontrer les mécanismes du racisme ordinaire sans user ou abuser de clichés simplistes ou de raccourcis scénaristiques hasardeux serait-il en effet rédhibitoire ?
La subtilité de ce film est justement de nous amener à progressivement appréhender tout ce qui alimente sournoisement le rejet de l'autre : déclassement économique, invisibilité sociale, frustration, jalousie, délitement des relais traditionnels de lutte et d'action, ....
Qui plus est, loin de verser dans la nostalgie d'un âge d'or illusoire ou dans un misérabilisme stérile, nos deux compères nous proposent quelques pistes de résilience reposant, entre autres, sur la capacité d'une collectivité à s'inspirer des leçons de solidarité et de fierté du passé pour jeter des ponts vers et avec de nouveaux damnés de la terre et, in fine, faire société.
Pour conclure, permettez-moi de vous livrer quelques scènes qui m'ont particulièrement touché.
1) l'ouverture d'une arrière-salle de bistrot close depuis tant d'années, précieux sanctuaire photographique d'un monde oublié, d'une mémoire occultée ;
2) la présence ostensible lors de la parade annuelle de la petite cité ouvrière, d'un étendard traditionnel des mineurs agrémenté, tissée dans l'étoffe, d'une phrase en arabe contribution symbolique des exilés syriens à la lutte éternelle de tous les opprimés;
3) la découverte, tout en sensibilité, d’une cathédrale aussi millénaire que majestueuse, fruit de l'ingéniosité, du labeur et de la sueur de centaines d'ouvriers, loin des commentaires ampoulés habituellement ressassés par d’ineffables chroniqueurs à la Lorànt Deutsch ou autre Stéphane Bern.