Emmanuelle fera l’ouverture de la compétition du 72e festival de San Sebastian le 20 septembre 2024, quelques jours avant sa sortie nationale.
Emmanuelle est tiré du roman éponyme d’Emmanuelle Arsan publié en 1959 et qui a bénéficié d’une adaptation cinématographique à succès signée Just Jaeckin en 1974 avec Sylvia Kristel dans le rôle-titre. Cependant, Audrey Diwan a voulu s’éloigner du film érotique pour se concentrer davantage sur le livre et en faire une adaptation féministe.
Si le fauteuil en rotin appelé "Pomare" a été surnommé "fauteuil Emmanuelle" après une scène devenue culte du film de Just Jaeckin, Audrey Diwan a pris le parti de faire disparaître le fauteuil… mais a gardé l’autre scène (culte !) de l’avion.
Si le livre se déroule à Bangkok — Emmanuelle Arsan est thaïlandaise — Audrey Diwan a déplacé son décor à Hong-Kong et s’en explique : "Je cherchais un lieu qui dise le cosmopolitisme tout en restant en Asie, l’occasion d’interroger en creux les vestiges du colonialisme dans notre système actuel. Ce lieu est à la fois fait de motifs exotiques, tout en étant totalement hors-sol, vidé de toute substance et surtout fondé sur un rapport de classe extrêmement violent", dit-elle avant de poursuivre : "Je voulais prendre le contre-pied du livre sur cette question, en pointant la violence coloniale et classiciste de tels endroits, avec cette idée que pour que certain.es profitent, il faut que beaucoup transpirent".
Si le livre se déroulait dans les années 50 et le film dans les années 1970, la réalisatrice a voulu faire d’Emmanuelle une héroïne d’aujourd’hui, avec les problématiques actuelles des tabous de la société sur la jouissance féminine : "D’autres interrogations plus intimes me sont venues, notamment sur mon parcours de femme et mon propre rapport à la sexualité, à la jouissance, mon désir d’affranchissement face aux normes qui régissent la séduction et le sexe. À notre époque, il me semble que la jouissance est totalement liée à l’impératif de performance, au sens capitaliste du terme. Il faut rentabiliser, optimiser, profiter". La question du film, selon Audrey Diwan, est donc la manière dont Emmanuelle échappe aux injonctions sur la performance sexuelle au détriment du plaisir.
Le long-métrage s’inspire de la filmographie des acteurs qui l’incarnent comme Mulholland Drive (Naomi Watts), l’esthétique de Portrait de la Jeune fille en feu (Noémie Merlant) ou la série The White Lotus pour Will Sharpe. Cependant, Rebecca Zlotowski — qui co-signe le scénario — et Audrey Diwan se sont également imprégnées de Claire Dolan de Lodge Kerrigan, Jeanne Dielman de Chantal Akerman ou Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda.
Will Sharpe est un acteur anglais et a connu Audrey Diwan de manière assez originale, puisqu’il avait vu L’Événement alors qu’il gardait ses enfants le soir du Nouvel An ! C’est cette anecdote amusante qui a poussée la réalisatrice a mieux le connaître et ensuite, de lui proposer le rôle.
La musique composée par Evgueni et Sacha Galperine propose une expérience immersive aux spectateurs, pour "nous placer dans le corps d’Emmanuelle" selon Audrey Diwan. Ainsi, chaque son devait être potentiellement érotique, comme une caresse du velours, le contact d’une cigarette avec les lèvres, créant une atmosphère délicate, presque ASMR.
Les décors sont signés Katia Wyszkop — la plupart du temps celui de l’hôtel — avec des touches d’orientalisme pour créer un "prolongement onirique du rythme très particulier de la mise en scène" selon Audrey Diwan, qui a tant fait confiance à son équipe qu’il lui arrivait de découvrir les décors au moment de tourner les scènes !
Avant d’accepter le rôle, Noémie Merlant n’avait pas lu le livre et n’avait pas vu le film, et n'avait eu connaissance que du buzz autour. C’est seulement deux jours avant de rencontrer Audrey Diwan qu’elle a appris que la réalisatrice avait pensé à elle pour incarner Emmanuelle.
Les acteurs dormaient tous dans l’hôtel de Hong Kong où a été tourné presque exclusivement Emmanuelle. L’équipe a dû rester confinée à l’intérieur en raison d’un typhon à l’extérieur au moment du tournage.. tout comme dans le film !
Les scènes de sexe ont été élaborées avec Stéphanie Chene, une chorégraphe et coach d’intimité avec laquelle Noémie Merlant travaille depuis Les Olympiades de Jacques Audiard(2021).
À l'origine, Léa Seydoux devait camper le rôle-titre d'Emmanuelle mais Audrey Diwan lui a finalement préféré Noémie Merlant, comme elle l'a d'ailleurs expliqué dans les colonnes de Deadline en février 2023 : "J’adore Léa Seydoux. Je veux faire un film avec elle dans le futur. Mais elle ne correspondait pas vraiment au personnage que j’imaginais".