Christophe… Définitivement
Fallait oser le faire. On est loin à titre posthume des biopics hagiographiques habituels tirés à quatre épingles d’archives dites inédites. Parce que c’est un chanteur français, parce que le personnage est singulier ?
Beau bizarre que ce film-là qui nous plonge dans les affres de la création du chanteur à partir d’un savoureux montage collage assumé de rushes sauvés, volontairement extirpés bruts de décoffrage, qui nous ramènent à son humanité et quelque part à la nôtre.
Christophe… Définitivement s’il se pose là en épitaphe est un film faussement inabouti sur un mec pas fini… et c’est en en cela qu’il s’approche de la vérité de son personnage à travers sa créativité. Et, fan ou pas, touche juste. Fébrile, intangible, fragile, le chanteur perpétuel insatisfait est d’une exigence farouche, en constante fusion, intranquille. Recommencement, doute, recherche, là est le spectacle, un work in progress permanent. Souvent drôle dans son questionnement, ses quatre volontés paraissent parfois décalées, il est inquiet. Tel son, telle couleur, tel enchaînement, telle pose,… On est en apnée, entre prises de vue de caméra amateur en concert ou répétition, format, grain, cadre de guingois à l’emporte-pièce, zooms de mise au point, flous de bougé, étalonnage, éclairages feutrés, reflets chamarrés, poussières de scène, vibrations, rien n’est léché, calibré, tout est en suspension, rien n’est arrêté. Il n’aurait pas aimé. Sauf peut-être le son, impeccable du moindre miaulement au feulement, même en prise directe. Il n’aurait pas supporté. Hypersensible.
Le film est un pari réussi car il lui ressemble.
Et cette séquence improbable, en point d’orgue, comme en contre plongée depuis la scène, chez lui, à la recherche dans son bazar à souvenirs, d’un certain tee-shirt qu’il va nous tailler en « pièce » en direct, même si ce ne sont pas les bons ciseaux, même si on n’a pas la table, pour s’en faire un prochain costume, parce qu’il ira bien, le costume c’est important, ma mère était couturière, je te l’ai dit, tu le savais ? S’amorce une trame, peut-être.
Un fantôme évanescent en smoking blanc rentré dans ses santiags noires, comme lui seul osait le faire, digne, vient nous hanter depuis le château de Versailles, et nous fait ouais, ouais, ouais, ouais. Le maudit dandy reste un incompris, un poor lonesome cow-boy de la vie.
Christophe continue de bouger et de nous émouvoir.
Christophe éperdument, ici repose…
Eric MAYNARD
04 avril 2023
Cinéma La Pléiade & ses "Mardis des Réalisateurs", en présence de Ange Leccia, co-réalisateur