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Eowyn Cwper
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2,5
Publiée le 8 décembre 2017
septiemeartetdemi.com - Ou comment tirer, avec des outils littéraires, un réalisme très fort d'un prolétariat marqué. René Allio est assez peu connu dans le paysage cinématographique français : c'est un homme de théâtre venu des lettres. Simone Signoret, qui tient le rôle principal, est à deux ans d'entamer à la fois sa dernière décennie de vie et sa carrière d'écrivain. Alors le style a suivi : peu soucieux du sens, le film le laisse régner en maître dans des métaphores théâtrales sinon romanesques, qui n'auront pas manqué de séduire les critiques politiques et historiens mais qui sont un ratage dans la cohérence scénaristique. Rarement compréhensible, l'intrigue va dériver en digressions fantasmagoriques, et bien malin qui saura dire lesquelles sont bonnes à prendre. On en ressort bêtement ravi d'avoir vu une famille si bien réussie et merveilleusement costumée, incarnée par des acteurs joliment choisis, mais aussi avec l'impression de n'avoir pas su faire le tri entre le propos et l'à propos.
Une bonne photographie d'une famille de prolos très moyenne dans les années 70, le scénario entre la réalité et les rêves de la mère de famille donne au film une singularité intéressante pas toujours exploitée au mieux par une réalisation faiblarde hélas.
Sur le papier, le scénario est plutôt intéressant avec deux thématiques qui reviennent constamment dans la petite filmo de René Allio (onze long-métrages dont l'excellent Moi, Pierre Rivière...) : la peinture sociale des "petites gens" et l'expression de l'aliénation. Le cinéaste brosse ici le portrait d'une femme ordinaire, soumise à son mari, à sa famille, et cantonnée en toutes choses à des tâches domestiques. De ce quotidien tristounet elle s'évade en se passionnant pour les aventures de son beau-fils et en déployant un imaginaire conditionné par les romans-photos et la presse à sensation. Le récit jongle ainsi entre rêve et réalité. Il ouvre également la voie à deux critiques, celle de l'ordre social et moral qui règne dans la France moyenne, et celle des médias de masse qui dévoient les rêves des gens simples. Avec, en plus, un je ne sais quoi de subversif en matière psychanalytique (les désirs inavoués de Jeanne pour son beau-fils, le meurtre symbolique de son mari...). Le problème, c'est que le traitement cinématographique est loin d'être à la hauteur des bonnes intentions du scénario. René Allio n'est pas Luis Buñuel. Son mélange de réalisme et de délire fantasmatique sonne affreusement faux et sombre parfois dans le ridicule. Le résultat visuel est cheap et kitsh (l'esthétique des seventies n'arrange rien). Quant à l'interprétation générale, elle s'avère assez pathétique, entre le surjeu des uns, le manque de conviction des autres. Au centre, Simone Signoret a souvent l'air perdu, faute d'une vraie direction d'acteur... Plus habitué au réalisme pur et aux acteurs non professionnels, René Allio était manifestement à côté de la plaque pour ce film. Seules les dernières minutes, plus simples, plus touchantes, sont réussies. Quelques minutes sur les rêves bleu ciel du personnage principal, comme un baume léger sur un ratage dans les grandes longueurs.