Nicolas Vanier s'interroge de plus en plus sur la place de l’homme dans la nature. Le cinéaste, qui a vécu comme un homme préhistorique pendant ses années d’expédition, explique : "J’ai ce rapport charnel aux éléments et conscience de l’échange nécessaire qu’il doit y avoir entre l’homme et son environnement. En Sibérie, pour obtenir de l’eau chaude, il ne suffit pas d’ouvrir un robinet. Il faut aller chercher du bois, de la glace. Je suis frappé d’observer qu’en l’espace de cinquante ans, le décalage entre l’homme et la nature est devenu immense."
"Dans ma génération, tout le monde avait un grand-parent paysan, qui nous apprenait quelques rudiments de la vie sauvage. Aujourd’hui, la plupart d’entre nous ne savent plus faire un feu, ni dépecer un animal, ni faire pousser un légume. J’observe également ce décalage chez les enfants, même ceux qui vivent à la campagne : ils croient que le lait vient du magasin ! Désormais, il faut de l’électricité pour tout, pour se brosser les dents, pour monter des escaliers, pour faire du sport. L’argent est devenu une ligne électronique sur un ordinateur."
"Si Internet s’arrêtait, tout le monde serait ruiné. C’est aussi simple que cela. Que devient-on si demain, tout ce qui facilite notre vie disparaît ? C’est cette question qui est à l’origine du film."
Dans le film, Nicolas Vanier fait allusion au philosophe Pierre Rabhi, qui n’a jamais cessé de dénoncer l’absurdité de notre système. Il a notamment dit : "C’est dans les utopies d’aujourd’hui que sont les solutions de demain". Le réalisateur précise : "Pierre Rabhi était une personne rare et inspirante. Il a mis en application et prouvé sur le terrain ce qu’il avançait. Certes, son discours était parfois un peu utopique et il en avait conscience. Mais il prônait la sobriété heureuse."
"Je préfère cette idée au pessimisme ambiant, celui des discours politiques et des plateaux de télévision, friands d’injonctions : interdiction, punition, restriction. Si l’on dresse la liste des utopies qui se sont réalisées, l’optimisme renaît. Par exemple, les hommes ont réussi à solutionner le problème de la couche d’ozone. Il faut continuer d’y croire."
Pour le personnage de Stan, le trader, Nicolas Vanier voulait quelqu’un qui ressemble à "un gars des villes", souffrant beaucoup, au départ, des conditions précaires de la vie à la campagne, de la nourriture frugale et du manque d’électricité : "Quand Michaël Youn est arrivé en Sologne, j’ai compris que je ne m’étais pas trompé !"
"J’ai gardé le message vocal qu’il m’a envoyé, dans lequel il disait vouloir faire partie de l’aventure parce qu’il jugeait le film « nécessaire ». Michaël était véritablement engagé dans le projet. Par ailleurs, c’est un excellent comédien. Nous avons tous été impressionnés par la qualité de son jeu, sa finesse, par son talent comique."
C'est le monde à l'envers ! n'est pas vraiment une adaptation du roman du même nom de Nicolas Vanier et Jérôme Tonnerre. Il s'agit de deux travaux parallèles à partir de la même histoire. Le metteur en scène confie : "J’ai écrit le roman avec la volonté concomitante d’en faire un film. L’idée nous est venue, à Jérôme et moi, lors d’une précédente collaboration. Il m’a fait cette remarque : « Mais moi, à Paris, qu’est-ce que je deviens s’il arrive une catastrophe ? »."
"Jérôme connaît ma ferme en Sologne. Là-bas, entre mes panneaux solaires, mon bois, mes étangs, mes abeilles, si demain tout s’arrête, j’ai ce qu’il faut pour vivre. Alors que Jérôme est un homme de la ville. Je crois même qu’il a mis des bottes pour la première fois avec moi ! À partir de cette remarque, nous avons imaginé l’histoire d’un type qui croit tout avoir et s’aperçoit qu’il n’a rien. Ce qu’il possède de matériel ne lui sert plus à grand-chose quand le cataclysme survient."
Nicolas Vanier avait déjà tourné deux films avec Eric Elmosnino. Le metteur en scène explique pourquoi il a choisi le comédien pour jouer Patrick, l’agriculteur qui ne fait que râler : "Dans le film, le père de Patrick est devenu sénile et pourtant, celui-ci lui témoigne un respect infini, une tendresse qu’Éric a su magnifier. Il m’a beaucoup ému dans ce rôle. Le sujet des personnes qui perdent la tête en vieillissant me touche. Que fait-on de nos vieux ? Comment vivent-ils ? Dans le film, le grand-père est à la maison. On ne l’a pas mis dans une « maison »."
C'est le monde à l'envers ! a été tourné dans le Morvan, en Bourgogne-Franche-Comté. Nicolas Vanier justifie ce choix : "Un de mes meilleurs amis habitait autrefois Château-Chinon. Ensemble, nous avions pêché dans les rivières, chassé le sanglier, cueilli des champignons. J’en gardais un souvenir merveilleux. Je cherchais un lieu de tournage quand je m’en suis rappelé. J’y suis retourné et je n’ai pas été déçu."
"J’ai retrouvé les ondulations du plateau, les vallées bocagères avec leurs haies intactes, les forêts de chênes et de pins, les étangs, les douces lumières matinales. Les paysages sont d’une beauté hallucinante, et encore très sauvages. C’est un lieu enchanteur, figé dans le temps."
C'est le monde à l'envers ! est une "éco-production". C’est même le premier film tourné en décors naturels sans recours direct ou presque aux énergies fossiles : "Nous avons mis en place des actions engagées et responsables avec le soutien de la société Flying Secoya. Lors de la préparation, nous avons étudié chaque poste afin de diminuer au maximum l’empreinte écologique, avec en tête ce concept de sobriété heureuse. Parce que contrairement aux idées reçues, l’écologie n’est pas une punition. Au contraire."
"Certes, il n’y a pas de solution miracle. Mais grâce aux LED, on avait toute la lumière nécessaire sans groupe électrogène, ce qui n’aurait pas pu être le cas il y a encore cinq ans. Les costumes étaient assemblés à partir de vêtements vintage, transportés sans housses. On utilisait des toilettes sèches. On se déplaçait en voiture électrique, ce qui impliquait un arrêt de vingt minutes sur la route depuis Paris afin de recharger les véhicules. Au début, certains râlaient, parce qu’il fallait partir en avance et qu’on 'perdait du temps'."
"Mais ces vingt minutes ont fini par devenir indispensables, parce qu’elles étaient utilisées pour prendre un café, téléphoner à la famille. Ce qui était perçu comme une galère s’est transformé en avantage. Une métaphore de l’écologie", se rappelle Nicolas Vanier.
Avec C'est le monde à l'envers !, Yannick Noah trouve son premier rôle d’envergure dans un film. Nicolas Vanier se souvient : "C’est un cadeau que je dois à mon producteur, Yves Darondeau. Nous étions d’accord qu’il nous fallait, plus qu’un acteur, quelqu’un qui incarne ce rôle. Yves a pensé à Yannick et celui-ci a accepté, parce que touché par le message du film. Il a voulu faire des essais avant de s’engager. C’est un homme d’une simplicité et d’une gentillesse incroyables, un homme qui donne."
"Sur le tournage, lors des temps morts, il aidait la régie en servant de chauffeur. Je l’ai vu passer une heure à donner des conseils à un jeune habitant de Vézelay qui envisageait une carrière sportive."