C'est la curiosité qui a poussé Ana Sofia Fonseca à s'intéresser à Cesária Évora : "Qui était cette femme qui a toujours placé sa liberté au-dessus de tout ? J'avais envie de comprendre comment une artiste noire et pauvre était passée de l'indigence à la célébrité ; à l'âge de 50 ans, tout en restant elle-même." Il se trouve que la réalisatrice a une maison au Cap-Vert, qui se trouve à deux pas de la demeure de la chanteuse. La tristesse du peuple cap-verdien, après les funérailles d'Évora, l'a frappée : "je me suis dit pour la première fois qu'il faudrait faire un film sur cette femme incroyable. Mais à l'époque, j'étais encore loin d'imaginer que je réaliserai un film sur elle un jour".
Avant d'être réalisatrice, Ana Sofia Fonseca a été journaliste en presse audiovisuelle et écrite pendant 20 ans. "J'ai toujours voulu travailler dans le cinéma, mais parfois il faut attendre le bon moment pour vivre une grande passion. C'était mon cas. Comment ai-je su que c'était le bon moment ? Je ne le sais toujours pas. Tout ce que je sais, c'est que je ne pouvais plus m'arrêter de tourner."
Ana Sofia Fonseca a rencontré de grandes difficultés pour accéder aux archives personnelles de Cesária Évora. Après un an de prospection, la réalisatrice n'avait toujours pas de matériau intéressant. Finalement, un musicien lui a un jour apporté un sac en plastique contenant plus de dix films. Elle raconte : "Il ne les avait jamais vus auparavant et m'a dit : “C'est pour toi, mais fais attention, je ne sais pas ce qu'ils contiennent". C'était une journée mémorable ! Ensuite, nous avons commencé à trouver de nouvelles archives à droite, à gauche. Un jour, le manager de Cesária m'a dit qu'il possédait à l'époque une caméra, mais il ne savait pas ce qu'il avait fait des images. Plus d'un an après, il a retrouvé un sac en plastique avec des bandes. Nous étions en pleine pandémie et j'ai dû attendre d'avoir un vol Mindelo-Lisbonne pour les découvrir. Quelle angoisse ! Mais cela valait la peine d'attendre car les vidéos étaient incroyables."
La réalisatrice a fait le choix de ne garder que les voix des intervenants, plutôt que de les montrer à l'image. Elle désirait que le documentaire soit centré sur Cesária Évora, et ne voulait pas briser l'intimité qu'elle souhaitait instaurer entre le public et l'univers de la chanteuse avec des intervenants face caméra. Il y a une autre raison à ce choix formel : "[...] l'importance de sa voix. C'est sa voix qui lui a ouvert le monde, sa voix qui a façonné son destin. Nous avons donc pensé que ce devrait être une sorte de "film vocal". Les voix de ceux qui étaient les plus proches de Cesária s'unissent pour révéler son histoire."