Eurêka peut donner foi au cinéma. Ou s'en dégoûter. Quelque part, ne pas apprécier ce genre d'oeuvre, c'est renoncé au cinéma - ou du moins une facette de ce qu'il peut offrir, et c'est peut-être à partir de ce film que je comprends que je ne suis pas fait pour le cinéma... Ce cinéma allez, sinon la boucle serait bouclée. 3h37 affiché ici, sachant que derrière le DVD un prosaïque "150 minutes" peine à se distinguer du reste des informations, c'était mal parti. Non parce que ça joue, quoiqu'on en dise. La première fois que j'ai regardé où en était le film, il était à 2h26 (donc dans mes pensées à la toute fin), et j'ai eu le grand désespoir de voir sur mon lecteur qu'il restait environ 1/3 du film. Cela fait mal. Et pourtant, à partir de là, le film prend de l'ampleur. Oui, à ce moment-là précisément (avec la découverte du garçon grosso modo). C'est dire si pendant les 2h26 précédentes je me suis emmerdé. Mais le réalisateur l'a voulu. A moins d'avoir tout compris au préalable ou d'être un génie, on ne prend conscience de ce que parle réellement le film qu'à partir de 3h (chaque personnage qui passe sa rédemption, grandit, etc etc, enfin sur le fond j'entends). Donc pendant 2h26 en gros, on a une histoire, et ce que je déteste par-dessus tout, au-delà des questionnements basiques (qui ? que ? quoi ? comment ?), c'est d'être face à une énigme simple mais insolvable : une trame linéaire, compréhensible, avec certes ses quelques mystères (le silence des gosses, le serial killer, etc) mais surtout une impossibilité à cerner ce que veut montrer le réalisateur. En ce sens l'absence totale de psychologie, de sentiments (du moins apparents, je l'ai vécu tel quel, film froid, extrêmement froid) , rajouté ainsi à ce flou dont je viens de parler, a eu pour conséquence de faire naître en moi, parallèlement à un ennui progressif, un sentiment (contradictoire oui, un film sans sentiment qui en procure, il y a quelque chose à développer là-dessous peut-être) de gêne, de perplexité, l'esprit cartésien adulte en prend un sérieux coup (ce pourquoi je crois ce genre de film est plus fait pour les 10/15 ans que les adultes). Parce qu'on ne sait rien. On ne sait rien, on ne sait pendant très longtemps même pas ce qui habite la tête du réalisateur, on ne sait même pas qu'est-ce que cette foutue histoire fait là (la prise d'otage, puis la grosse ellipse, puis le choix de jouer à la fois sur le chauffeur que les gosses, puis le cousin qui ramène sa petite pomme), et surtout comment une première partie peut tenir 2h26 (enfin moins, je crois c'est 2h avant le road-trip), grand mystère dans l'histoire du cinéma. Et peu à peu, aux alentours des 3 heures (bon faut l'avoir vécu pour le comprendre, c'est un soulagement), on apprend. Et c'est majestueux, comme un puzzle qu'on fait gamin, car tout s'emboîte, mais jamais cela ne me fera oublier ces 2 premières heures lentes comme... rien au monde. Si même sur la fin certains défauts persistent (musique, lenteur exagérée, etc), on comprend le concept global du film, on peut même dans un grand moment d'empathie apprécier la chose, et la façon dont se clôture Eurêka nous redonne de la foi.
Il faut peut-être parler de la forme, de l'original "faux" noir et blanc... ? Même pas. Honnêtement pour avoir vu pas mal de choses (c'est déprimant de faire ce genre de constat) je ne trouve ça même pas (plus) beau. Désormais, rien à foutre de l'image ; faut simplement savoir quoi en faire. Et ce film en est la preuve la plus parfaite.