Une brillante étudiante en mathématiques, doctorante à Normale Sup sous la direction du professeur Laurent Werner, seule femme de sa promotion, est sur le point de dévoiler sa thèse sur la conjecture de Goldbach…Interviewée par une journaliste, son discours passionné laisse percevoir à quel point Marguerite, incarnée avec justesse par Ella Rumpf, semble avoir trouvé la foi dans ce champ scientifique. Gauche et malhabile dans ses chaussons, les épaules rentrées, presque terne, elle apparait d’emblée en décalage avec le reste du monde, évoquant une jeune novice au couvent… En revanche, en posture de démonstration mathématique, elle irradie, elle raisonne avec élégance et effervescence, suscitant l’admiration de ses collègues et de son directeur de thèse, interprété par un inhabituel et ambigu Jean-Pierre Daroussin…. Mais à l’occasion de la présentation de ses travaux, s’annonçant comme sa première consécration devant un auditoire hautement spécialisé, un nouvel étudiant, Lucas aussi talentueux qu’elle, remet en question tout ce en quoi elle croyait. Ses certitudes s’écroulent en un instant. Et le ciel lui tombe une seconde fois sur la tête lorsqu’elle se sent trahie par son directeur « mentor », qui la lâche, argumentant que « les mathématiques ne doivent souffrir d’aucun sentiment. » …elle plaque tout, devient vendeuse, découvre son corps, vit en colocation avec Noa, une danseuse, qui va lui montrer qu'il peut y avoir autre chose que les maths dans la vie…devient une brillante joueuse clandestine de mah-jong…Mais son esprit ne parvient pas à oublier son problème mathématique. Ni son séduisant camarade de thèse. Elle revient vers les chercheurs qui l’ont humiliée afin de terrasser cette fichue conjecture de Goldbach. Les esprits chagrins diront que tout est cousu de fil blanc dans la progression dramatique et que ce génie des maths finira bien à un moment ou à un autre par s'ouvrir un tant soit peu au monde extérieur et à l'amour …Malgré une fin un brin fleur bleue, Anne Novion réussit un pari difficile : restituer la fougue, la créativité, l’obsession de la recherche en mathématiques…rendre cinématographique une discipline réputée peu sympathique et à laquelle personne – ou presque – ne comprend rien. Elle parvient à nous faire ressentir la passion de celles et ceux qui la pratiquent à un haut niveau tout comme ses applications dans la vie de tous les jours. Elle nous ouvre également les portes d'un monde finalement semblable à tant d'autres, gouverné par l'esprit de compétition, les abus de pouvoir et un certain machisme masculin. C’est sur le registre de la traduction du langage mathématique en langage cinématographique et poétique que le film s’avère le plus original. Les lignes de raisonnement et équations abstraites (et véridiques) se projettent sur les murs transformés en tableau noir, telles des hiéroglyphes indéchiffrables pour le commun des mortels. Son secret : avoir collaboré avec une mathématicienne réputée, Ariane Mézard, (les équations que l’on voit dans le film sont toutes authentiques, c’est Ariane Mézard qui s’y est engagée. La conjecture de Goldbach, que veut prouver Marguerite, est un problème qui n’a pas encore été résolu.”) …avoir filmé à l’ENS, et d’avoir su trouver une actrice à la hauteur, Ella Rumpf, étonnante d’aplomb, face à Jean-Pierre Daroussin, directeur de thèse ambigu. Le comédien belge Julien Frison, pensionnaire de la Comédie Française, est excellent dans le rôle de Lucas Savelli, l'autre étudiant très brillant. Quant à Sonia Bonny, l'interprète de Noa, elle est une magnifique découverte pour ce qui est sa première apparition dans un long métrage de cinéma. Il serait dommage de se priver du plaisir de ce film sous prétexte qu'il traite de mathématiques, matière qui en a traumatisé plus d'un à l'école… A la sortie je n’aurais rien compris de cette fameuse conjecture de Goldbach, ni même des règles du mah-jong…mais j’ai passé un bon moment de cinéma…