En tout, l’excès est un vice.
C’est la toute 1ère fois, je crois, que je commence une chronique cinéma en citant un ancien, en l’occurrence Sénèque. Mais cette parole pleine de sagesse s’applique admirablement à ce thriller mâtiné d’horreur et de gore. Comme tout le monde – enfin quelques uns – j’ai découvert Coralie Fargeat en 2018 avec le calamiteux Revenge. C’est donc son Prix du scénario à Cannes qui m’a attiré dans la salle obscure pour ces 140 minutes. Avez-vous déjà rêvé d’une meilleure version de vous-même ? Vous devriez essayer ce nouveau produit : THE SUBSTANCE. Il a changé ma vie. Il permet de générer une autre version de vous-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite. Respectez les instructions : VOUS ACTIVEZ une seule fois. VOUS STABILISEZ chaque jour. VOUS PERMUTEZ tous les sept jours sans exception. Il suffit de partager le temps. C’est si simple, qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? Voilà certainement le pitch de l’année, étonnant, mystérieux, de ceux qui donnent envie de voir un film. Hélas, si, effectivement le scénario est original, machiavélique, c’est le seul intérêt de ces très, trop longues heures. Certains crient au chef d’œuvre, moi je me suis copieusement ennuyé.
Pour la cinéaste, le cinéma de genre est politique. Pour moi, en tant que cinéaste, le film de genre est un formidable moyen d’affronter des enjeux politiques et personnels à travers le prisme du divertissement, de l’humour, de l’excès. Et pour ce qui est d’être excessif, elle n’a pas eu de limites. Mais voilà la dernière demie heure est outrée que j’ai entendu des rires dans la salle… et franchement, a priori, il n’y a vraiment pas de quoi. Il s’agit ici de jouer avec la destruction du corps des femmes pour s’affranchir de ces contraintes qui les emprisonnent depuis si longtemps. Soit. Un sujet noble en soi. Citons encore Mme Fargeat : Les corps, dans le film, sont brutalisés, tournés en ridicule, détruits, tout comme, j’en suis convaincue, la société détruit les femmes avec toutes ces règles qu’on nous a appris à suivre en silence. Le discours est outré, le film encore plus, ad nauseam. Dommage, car la photographie, en particulier, est tout à fait virtuose, les cadrages savants jusqu’à la sophistication et le casting fait ce qu’il peut pour survivre dans ce jeu de massacre. Carrie, à côté, c’est un conte pour enfants.
Demi Moore, pas revue au cinéma depuis 2012, fait un retour fracassant… fracassé devrais écrire. Margaret Qualley, tout juste rescapée des deux derniers Lanthimos, lui donne une réplique pour le moins musclée. Dennis Quaid en fait des tonnes avec une jubilation contagieuse. Non, décidément, après une 1ère heure intrigante, le film dérape dans un festival d’hémoglobine jusqu’au-boutiste parfaitement ridicule et qui dessert le message de la cinéaste. Quoi qu’on en dise, chercher un message féministe sous prétexte que le film est réalisé par une femme avec des femmes, reste une vision trop restrictive face à ce qui aurait pu être un grand film qui se gâche à trop vouloir prouver.