Le documentaire part du constat que 9 milliardaires détiennent 90 % des medias (radios, télés et journaux) en France, activité très rentable et aussi politique, en cachant l’essentiel et grossissant l’accessoire, avec la complaisance des hommes politiques, le grand perdant étant le citoyen. Le film, divisé en 3 chapitres (« Les incendiaires », « Les barbouzes » et « Les complices ») se focalise principalement sur 2 groupes, ceux de Vincent Bollotré (70 ans) et de Bernard Arnault (73 ans).
Le premier a racheté, via Vivendi, la chaîne de télévision payante Canal+ (entrainant la suppression des émissions, « Les guignols » et « Le zapping ») ainsi que « I-Télévision » (entrainant 35 jours de grève), renommé « CNEWS », où la ligne éditoriale est à droite voire à l’extrême droite, avec comme porte-parole, le journaliste Éric Zemmour. Le rapprochement de la station de radio Europe 1 (détenue par Lagardère dont Bolloré est le 1er actionnaire) avec le groupe Canal+ (qui a déclenché une grève de 5 jours) s’est traduit par une droitisation de sa ligne éditoriale. Nicolas Canteloup en est évincé pour avoir égratigné Vincent Bolloré. Vivendi possède aussi la chaîne de télévision C8 où est diffusée en direct l’émission « Touche pas à mon poste » (TPMP) animée par Cyril Hanouna ; elle attire jusqu’à 1,5 million de téléspectateurs et les ministres s’y précipitent. Elle donne la parole aux opinions d’extrême-droite dans 53 % des cas, suivies de celles des macronistes à 22,5 %.
Dans le chapitre II, sont montrés des exemples de moyens de pressions, tels la suppression de la publicité et le recours à des agences de surveillance (dirigée par d’anciens fonctionnaires) exercés par les 2 groupes précédents.
L’agence Havas, du groupe Vivendi, est le 1er publicitaire de France. Le quotidien « Le Monde » et « Mediapart » en ont fait les frais pour avoir enquêté sur les activités du groupe Bolloré en Afrique (déboires ferroviaires, travail de mineurs dans des plantations de palmiers à huile au Cameroun) : suppression de la publicité pour le premier et procès pour le second. L.V.M.H., dirigé par Bernard Arnault et qui possède les journaux quotidiens « Les Échos » et « Le Parisien », a recours aux services de Bernard Squarcini, ancien haut-fonctionnaire (direction centrale du renseignement intérieur). Il intervient lorsque François Ruffin, fondateur et rédacteur en chef de la revue « Fakir » [et qui avait réalisé le documentaire « Merci patron ! » (2015) sur les délocalisations de Bernard Arnault], décide de perturber l’assemblée générale de L.V.M.H. au Carrousel du Louvre le 18 avril 2013. « Fakir » est infiltré et Bernard Squarcini fait appel aux services de l’Etat pour la surveillance de François Ruffin. Cela déclenche une enquête judiciaire et finalement L.V.M.H. accepte de payer une amende de 10 millions € pour arrêter la procédure. Pour François Ruffin, ce n’est pas tant qu’il soit espionné que le recours aux services de l’Etat qui le scandalise. Cela a été relaté dans le « Financial Times » mais pas dans « Les Échos ». Le journaliste Tristan Waleckx a enquêté, pour le magazine « Complément d’enquête » dirigé par Benoit Duquesne, en Roumanie sur une usine de L.V.M.H. fabriquant des sacs Vuitton ; il a été surveillé par Bernard Squarcini avec création de fausses preuves l’impliquant dans la corruption de témoins à Bordeaux (où il n’était pourtant pas présent).
Le chapitre III aborde la complicité et/ou la complaisance des hommes politiques :
soutien de Nicolas Sarkozy (lors de sa mise en examen pour avoir reçu de l’argent de Kadhafi pour la campagne présidentielle), par « Le journal du Dimanche », propriété du groupe Lagardère, diffusion sur BFM Télé (du groupe Altice détenu par Patrick Drahi) de l’interview, en 2020, de Ziad Takkieddine, se rétractant sur sa participation aux transferts de fonds libyens, et reprise dans « Paris Match » (Groupe Lagardère et Bolloré). Michèle Marchand, patronne de Bestimage, est mise en examen pour subordination de témoins dans cette rétractation
. Le documentaire revient sur le rôle joué par Mediapart sur la révélation de la fraude fiscale du ministre délégué du budget, Jérôme Cahuzac et égratigne l’hebdomadaire « Le Point » (qui appartient à François Pinault mais dont les relations entre son rédacteur en chef de l’époque, Franz-Olivier Giesbert et Edwy Plenel sont mauvaises) en raison de son indulgence à l’égard du ministre (article retoqué par Etienne Gernelle). Idem pour la mise en cause de l’état français, via son ministre des armées, Florence Parly, concernant la vente d’armes en Arabie Saoudite et qui aurait servi au Yémen au détriment de populations civiles. Un documentaire, certes à charge mais factuel, qui dénonce l’anesthésie des Français, passant trop de temps devant leur télévision et ne recoupant pas assez les sources d’informations. La presse et les médias constituent un quatrième pouvoir à la condition qu’il soit pluraliste. Il était utile de le rappeler, surtout en campagne électorale présidentielle, même si la majorité de ceux qui iront voir le film, sont déjà convaincus.