Voilà une illustration supplémentaire de la citation de l’écrivain et scénariste Henri Jeanson (1900-1970), « On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments ». Même si le but est louable, sensibiliser le jeune public à la défense et la protection de la nature [ici la forêt de Bornéo, en Indonésie, où vivent les orangs-outangs, détruite pour être remplacée par des plantations de palmiers à huile, avec la complicité du gouvernement (huile produite à 85 % par l’Indonésie et la Malaisie, et première consommée au monde car peu couteuse à produire et au rendement élevé], le film est, non seulement, manichéen mais a une trame narrative assez mince [loin du « Livre de la jungle » (1894) de Rudyard Kipling (1865-1936) et bien sûr des films d’animation d’Hayao Miyazaki, fervent défenseur de la nature depuis ses débuts, de façon plus subtile et originale], et mièvre, façon Martine se perd en forêt, Martine découvre les animaux sauvages, Martine fait sa rebelle :
Kéria, adolescente métisse, androgyne, végane et égoïste, dont le père européen travaille dans une palmeraie (sa mère a été tuée par un léopard, fauve pourtant absent de Bornéo mais présent à Java), recueille un bébé orang-outang non sevré, Oshi, et apprend à mieux connaitre son cousin indigène Punan, Sélaï, dont la communauté tente de s’opposer à la déforestation
. L’honneur est sauf car cela reste politiquement correct. Le vrai sujet, tout aussi politique, malheureusement effleuré, au début, est celui de l’altérité, le qualificatif sauvage étant péjoratif (alors qu’étymologiquement, il vient du latin sylvaticus, forestier, de la forêt : les forestiers brutalisent les arbres comme des sauvages, Kéria considère son cousin Sélaï, chasseur-cueilleur comme un sauvage, chassant à la sarbacane et marchant pieds nus. Heureusement la qualité de l’animation en stop-motion, ainsi que le fond sonore réaliste de la forêt, sauvent le film, un peu long (80 mn)
et qui s’achève par la chanson « Tous les cris les S.O.S. » (1985) de Daniel Balavoine (1952-1986).