J'ai lu il y a quelques années le petit livre de Claire Keegan, " les trois lumières", à l'origine du film, et l'on peut dire que l'adaptation ajoute une quatrième lumière au livre. Cette histoire bien Irlandaise, tant ce pays s'attache à livrer des œuvres abruptes, mais lumineuses, raconte bien plus que l'été d'une fillette, partant passer l'été chez un couple de paysans, la prenant en charge pour soulager cette famille, où la venue prochaine d'un nouvel enfant, n'est pas vraiment une bonne nouvelle.
Ce film pudique et fort, m'a tellement bouleversé que je suis retourné ce matin au roman. C'est la fillette qui raconte son histoire. Dés la première page, les images du film s'impriment en surimpression du texte: "On traverse le village de Shillelagh où mon père a perdu aux cartes notre génisse Shorton rouge, et, plus loin, on longe le marche de Carnew, où l'homme qui l'avait gagnée, n'a pas tardé à la revendre. Mon père lance son chapeau sur le siège du passager, baisse la vitre, et fume.."
Voilà la scène initiale, et déjà tout est dit. On ne pose pas de question dans cette famille, où les enfants sont invités à se taire, au risque de se faire rabrouer . Une mère dépassée, un père antipathique, het mettant sa famille dans le dénuement, en rapport à ses addictions. Il emmène la fillette à l'autre coté du conté.
« Trois heures de route » Voilà à peu près tout ce qu’il dira à sa cousine en arrivant à cette ferme proprette et parfaitement tenue, à l’opposé de la sienne...Le pathos n'existe pas dans cette famille, où cette fillette délaissée, et a des problèmes d'énurésie à l'école, et observe une prudente distance avec les autres élèves. On l’a dirait maintenant « stigmatisée », et victime d’un environnement familial défavorable. Cette fillette silencieuse et résignée, a appris à se taire, et somatise. Les résultats à l’école sont en adéquation avec son manque de confiance en elle même.
Le père part, oubliant la valise de la fillette dans le coffre. On l’habillera de vêtements trouvés dans l’armoire. Cette maison est celle de l’amour, et de l’attention. Cette histoire est celle de la lente reconstruction, grâce à la bienveillance. Une illustration de la théorie de la résilience chère à Boris Cyrulnik . Il est difficile de trouver meilleur exemple que ce film pour évoquer l’importance de la niche sensorielle, pour sécuriser un enfant et lui permettre de s’épanouir.
Rien n’est appuyé ni trop démonstratif dans ce chef d’œuvre. Mais ces deux mois, assurément, seront parmi ceux les plus importants pour la fillette. Ses problèmes d’énurésie ont disparu. Ses progrès en lecture ont été fulgurants, dans cette maison, où « il n’y a pas de secrets », mais tout de même des interrogations.
La présence de la fillette a soigné tout autant ce couple aimant, et attachant, ayant eu à faire, le deuil d’un enfant. .
Le retour à la maison, à la fin de l’été, est douloureux. Et la fin du film, est bouleversante, lors de la séparation.
« As eu été sage au moins ? » Demande sa mère.
Mais si pour sa famille, le quotidien et les rapports restent les mêmes, on sent la fillette bien plus armée pour y faire face, et se prémunir de la violence induite.
Le « Tu as grandi », que sa mère lui lance, sans l’embrasser, ni la prendre dans ses bras, sonne comme un constat qui ne concerne pas que la taille.
Un très grand film, dont la note maximale s’impose. Un premier film flamboyant.