Une petite réserve: presque deux heures, n'est ce pas un peu long -sauf pour les inconditionnels de Jim Harrison, comme moi, qui en aurait bien pris trois....- un format de, disons 80 minutes, aurait peut être été mieux adapté au spectateur moyen?
Pendant deux heures nous écoutons donc un des plus grands écrivains du siècle, avec Cormac McCarthy (version plus noire des grands espaces), un de ceux qui honorent la littérature quand d'autres (je pense hélas à certaines créatures de sexe féminin, à défaut de genre, et de nationalité française, mais chut!) la déshonorent. Il envahit l'écran, édenté, obèse, à bout de souffle mais fumant cigarette sur cigarette.... et pourtant de toute sa personne émanent sagesse, noblesse, grandeur.
Il ne parle pas de lui,
même si il dit que la mort de sa soeur et de son père tués par un chauffard ivre a été le drame de sa vie, qu'il est marié à Linda depuis 54 ans et qu'ils ont eu deux filles.
Il parle du monde, de la beauté du monde, de son rapport au monde. Il est exceptionnellement cultivé, pour un fils de paysan du Michigan; il connait toute la poésie européenne. Il a commencé, d'ailleurs, à écrire des poèmes avant de passer aux romans.
Il aime manger, pêcher, glisser en barque au long de ces rivières cristallines, parcourir la nature avec ses chiens, il ne tient pas en place, passant d'une demeure à une autre: le Montana, le Michigan, l'Arizona, et aussi le Nebraska, même s'il n'y réside pas, les Sand Hills le fascinent. On a peine à imaginer qu'il ait pu, un temps, vivre à New York....
Il parle des Indiens, du massacre de Wounded Knee et de cette tache, ineffaçable, impardonnable sur le drapeau des Etats Unis; il voit notre temps avec pessimisme.
Mais, tant qu'il y aura la beauté du monde... tant qu'on pourra s'arrêter et contempler la beauté du monde, alors, tout sera bien.
On parcourt, le long de ces routes droites où il fait si bon conduire à 70 km/h, ces paysages sublimes de l'ouest américain, Wyoming, Dakota, ces paysages qu'on aime tant, plaines herbeuses où galopent les mustangs entre deux chaînes enneigées où vivent les grizzlis; formations rocheuses extravagantes, et bien sûr, vous n'échapperez pas à Monument Valley -comment échapper à Monument Valley?
Et nous autres, urbains, nous pensons à tous ces mômes qui grandissent dans des HLM sordides, qui n'auront jamais le chance de découvrir la beauté du monde. Etonnez vous qu'ils tournent mal...
Une leçon de vie. Merci à François Busnel d'avoir délaissé le petit écran pour le (très) grand...