La Vache qui chantait le futur se déroule dans le sud du Chili, dans la région des rivières où, en 2017, des milliers de poissons ont été trouvés morts sans que la cause ait pu être identifiée. Francisca Alegría confie : "L’incident s’est produit quelques mois après l’installation d’une usine de papier qui a été signalée pour avoir déversé des déchets toxiques dans la rivière et qui est toujours en activité de nos jours. En pensant à ces poissons, je me suis demandé s’ils savaient que quelque chose n’allait pas avant de mourir."
"Je me suis demandé s’ils avaient ressenti de la peur pendant leur agonie et s’ils imaginaient un au-delà. Un système de croyances est en train de s’effondrer et d’atteindre l’état d’agonie dans lequel se trouve notre Terre-mère depuis longtemps... Nous souffrons tous ensemble maintenant, et je souhaiterais que nous soyons plus conscients, plus empathiques et plus disposés à écouter."
Les personnages, en particulier celui de Cecilia, sont confrontés à de vieilles blessures dans ce lieu où vivent les vaches, les bonnes Mères, contraintes d’entrer dans un système qui les sépare de leurs enfants : "Les vaches sont devenues le corps exploité du féminin, de la maternité, de l’abondance de la Terre. Plus Célia a de l’empathie pour elles, plus elle comprend l’histoire de sa propre famille. Magdalena, comme les vaches, est une femme qui s’est sentie piégée dans sa vie précédente et qui revient maintenant pour vivre librement."
"Son apparence ajoute une autre couche «fantastique» au film. C’est un fantôme de chair et de sang, avec des pulsions primitives telles que manger, rire et faire l’amour. Sa présence apporte une touche humoristique au monde. Ironiquement, Magdalena est le personnage le plus vivant. Sa vivacité imprègne les autres personnages et son environnement. Lorsqu’elle interagit avec Tomás et qu’elle ressent sa tristesse et son angoisse, elle devient une sorte de lien entre leurs douleurs respective", précise Francisca Alegría.
La Vache qui chantait le futur est inspiré d'images sans filtre qui sont apparues au cours des premières années de la conception de cette histoire : "En tant que femme latino-américaine, vous êtes parfois infantilisée et moins prise au sérieux, surtout lorsque vous travaillez avec des hommes blancs plus âgés."
"Cela ne m’a pas empêché de créer, mais cela a rendu le processus créatif moins fluide, parce que je dois rationaliser et analyser certains comportements, soit pour modifier mon approche professionnelle lors de réunions, soit pour demander à quelqu’un d’autre d’observer leur comportement à mon égard."
Dans le film, Francisca Alegría aborde le thème de la nature maternelle. Lorsqu'elle a commencé à écrire le film, la réalisatrice devait guérir du lien avec sa mère : "Je n’étais pas consciente de la façon dont je l’avais punie, ainsi que d’autres femmes dans la famille. Au lieu de cela, j’avais idéalisé mon père et les autres hommes. Lentement, j’ai commencé à «abattre» ces codes subconscients, qui brouillaient mon expérience de femme et de créatrice."
"J’ai commencé à faire la paix avec ma propre nature maternelle. Je ne suis pas encore une mère biologique, mais j’ai compris la vérité dans le fait de materner d’autres formes de création, comme un film. Dans ce thème global de la maternité, la source principale est devenue la Terre-Mère et son flux de vie riche, mystérieux et sans jugement. Ce film m’a fait aimer encore plus tout ce qui existe, sans aucune hiérarchie", note Francisca Alegría.