C'est par le biais de son ex-compagne que le réalisateur a découvert le village de Chasteuil. Alors qu'il s'y était installé pour écrire, il a rencontré un villageois qui lui a dit : « pas la peine d’écrire, ouvre juste grand les yeux. Ici on fait du cinéma tous les jours et ça fait quarante ans que ça dure ». Raphaël Mathié se souvient : « Ça faisait dix ans que j’attendais un tel déclic. »
« En France, pour un documentaire, on nous demande quasiment d’écrire un scénario, ce que je trouve aberrant. Ce film s’est construit organiquement, jour après jour, pour l’essentiel pendant le tournage. Des arcs narratifs se mettent en place, des évidences prennent corps. Certaines d’entre elles tiennent, d’autres s’effritent puis s’écroulent, d’autres encore prennent le relais. Ça se cristallise, se défait en partie à nouveau, etc. Je filme au corps, à l’instinct », affirme le réalisateur.
Raphaël Mathié s'est adapté au tempo lent de la vie de ce village : « Le temps est politique. Prendre le temps c’est porter attention au vivant, aux choses délicates. C’est accueillir la mouvance du monde, s’ouvrir à sa densité, à sa diversité, à l’illusion, à la poésie. Le temps est une donnée essentielle au cinéma. Mais c’est aussi leur temps, le temps de la marge, la leur, là-haut, un temps organique et minéral, qui se situe à des années-lumière de la bande passante, grise, linéaire et idéologique du temps mécanique. »