Depuis 2009, une expérimentation d’offre alternative à l’hébergement d’urgence par l’utilisation de locaux inoccupés a été mise en place. Ce système permet aux propriétaires de confier leurs biens vacants à des organismes publics ou privés afin d’y loger des résidents temporaires.
Le but de ce dispositif est de protéger les espaces vacants (bureaux, couvents, Ehpads...) d’une occupation illicite et de trouver des places d’hébergements pour les personnes en situation précaire. Ce concept est importé d’un modèle hollandais inventé à Amsterdam dans les années 80, par un acteur de l’immobilier.
Ces logements sont mis à disposition temporairement, pour une redevance moins importante que les loyers du marché. En contrepartie, ils sont encadrés par des règles locatives très flexibles pour les propriétaires, mais plus contraignantes pour les résidents : l’expulsion possible pendant la trêve hivernale, les enfants interdits dans les locaux et pas plus de deux invités, l’interdiction de s’exprimer dans les médias et de s’absenter plus de deux jours sans autorisation.
La loi Anti-Squat déposée le 18 octobre 2022 par le député Guillaume Kasbarian et promulguée le 14 juin 2023 par le Sénat et l’Assemblée nationale, durcit les sanctions liées aux squats de locaux et pérennise cette expérimentation de système locatif.
En faisant des recherches sur le mal-logement, Nicolas Silhol a rencontré Annie Pourre, une des fondatrices du Droit Au Logement (DAL), qui lui a fait découvrir la "protection par l’occupation". Le réalisateur explique cette pratique : "A la base, l’idée est simple et plutôt intéressante : il y a des millions de mètres carrés vacants et des millions de personnes qui ont des difficultés à se loger décemment, donc pourquoi ne pas mettre les uns au service des autres ? [...] Mais dans les faits, on se rend compte que la mise en pratique de cette idée est plus guidée par le profit que par l’humain. Et on se retrouve dans une situation d’exploitation de la précarité, comme dans le film. Les droits des résidents sont limités, ils sont soumis à un règlement drastique, intrusif, pour qu’ils ne se sentent pas chez eux." Avec la co-scénariste Fanny Burdino, il a trouvé des thèmes représentatifs de notre époque : "la restriction des libertés, la servitude volontaire et, face à ces dérives, la tentation de la révolte".
En parallèle de la gestion de l'immeuble, le personnage d'Inès doit aussi gérer sa relation avec son fils. Père de deux adolescents, Nicolas Silhol a pu être le témoin de leur prise de conscience politique : "mes enfants ont grandi, j’ai vieilli, ils sont plus en colère que moi. J’avais envie de parler de ce flambeau de la révolte qui passe d’une génération à l’autre. On voit bien aujourd’hui comment les jeunes s’emparent des sujets qui les inquiètent et en tant que parents, on a parfois du mal à se positionner par rapport à leur colère."
C'est ainsi que le réalisateur décrivait Anti-Squat à ses collaborateurs lors de la production. Ainsi, si le sujet du film est social, la mise en scène est stylisée, comme dans un film dystopique. "J’ai fini d’écrire ce film pendant le confinement, moment où on s’interrogeait beaucoup sur le « monde d’après ». Mon intention était de donner cette vision d’un monde d’après où des travailleurs motivés, flexibles et précaires exploitent d’autres travailleurs motivés, flexibles et précaires dans une zone de banlieue non identifiée. Ce monde de demain, c’est déjà aujourd’hui."