Ah, Robert Bresson... Je suis très peu attiré par ce réalisateur, et pourtant les deux films que j'avais vu de lui m'avait plu, notamment le magnifique « Les Dames du bois de Boulogne ». Voilà que je fais un grand saut dans le temps en passant directement avec son dernier titre, sur lequel il y a, en définitive, beaucoup de choses à dire. Cette histoire, je la trouve quand même assez bonne (cette introduction nous dirigeant vers deux adolescents pour ensuite se diriger vers un personnage a priori sans importance qui deviendra sur la durée la figure principale du récit, je trouve ça particulièrement habile), posant pas mal d'interrogations pertinentes voire troublantes sur notre rapport à l'argent, notamment celui d'une jeunesse parfois perdue dans des contradictions qu'elle même ne semble pas comprendre. La mise en scène est également souvent captivante : toujours extrêmement précise (la manière dont est filmée les mains, notamment!), jouant habilement de l'ellipse, ne cherchant jamais le plan attendu, finalement plus attentive aux corps qu'aux visages, fuyant régulièrement les champs-contrechamps, magnifiée par une photographie singulière, assez pâle, du plus bel effet. Malheureusement, certains points coincent, et pas qu'un peu : je pense, bien sûr, à l'interprétation. Je n'y arrive pas. Ce choix de voix « blanche », neutre, inexpressive, est proprement incompréhensible. Elle ne permet aucune émotion, incarnation... Peut-être que Bresson est un génie de la direction d'acteurs et que tous les autres cinéastes n'ont rien compris, mais j'aurais plutôt tendance à penser le contraire. De plus, cette forme reste quand même assez rigide : par le « jeu » des comédiens, donc, mais aussi l'absence de musique, une quasi-absence de mouvements de caméra... Je comprends : cela a sa logique, sa pertinence, et comme j'ai pu l'écrire précédemment, ce choix formel est aussi source ici de beaucoup de richesses extrêmement appréciables. N'empêche, ce n'est vraiment pas ce que je préfère au cinéma : c'est froid, sec, sans ferveur... Difficile d'en sortir réellement enthousiaste. Enfin, difficile de comprendre le comportement du héros, notamment dans sa folie meurtrière finale : que celui-ci sorte de prison brisé, broyé par un système injuste, soit, mais de là à devenir
un assassin inhumain, même avec une personne lui ayant offert le gîte, je ne trouve pas ça crédible (sans parler de son hôte réagissant tranquillement lorsque celui-ci lui explique qu'il a massacré deux personnes et continuant à discuter comme si de rien n'était)
, et c'est sans doute dans ces moments que je trouve ce choix de non-interprétation totalement aberrant, car c'est précisément là qu'on aurait peut-être pu mieux comprendre ses motivations, ou au moins être mieux exprimés. Enfin, un mot sur cet ultime plan (et donc le dernier de la carrière du réalisateur!) : il est remarquable par son cadrage et par ce qu'il exprime
(pourquoi ces gens gardent-ils la tête rivée vers le bar alors que le prisonnier est déjà sorti?)
, tout en trouvant ce dénouement assez sec, une courte transition n'aurait pas été de trop, même si cela aurait été (évidemment) contraire à la logique de Bresson... Du cinéma de qualité, donc, pouvant s'appuyer sur un sujet traité souvent avec intelligence et originalité, mais tombant presque dans le piège que son auteur semble presque lui-même posé, et ce alors qu'il semblait avoir toutes les cartes en main pour signer un véritable chant du cygne. Frustrant mais, hélas, prévisible.