Après l'excellent "Rashomon" je me devais de continuer l'œuvre de Akira Kurosawa, réalisateur adulé et considéré unanimement comme l'empereur du cinéma asiatique, "Les Sept Samouraïs" vient logiquement se poser en priorité, puisque "chef d'œuvre" y est associé.
Un film de sabres dans le Japon féodal du XVIème siècle, une sombre époque où les bandits pillent sans scrupules les villages à répétition en quête de vivres, las de subir ces assauts incessants les paysans n'ont plus qu'une alternative, confier leur sort aux samouraïs. Après inspection les villageois arrivent, avec l'aide d'un vieux sensei, à recruter une poignée de guerriers pour protéger leur communauté.
Ce qui m'a tout d'abord frappé dans ce film c'est sa direction d'acteurs, j'en veux pour preuve cette séquence d'introduction saisissante du conseil de villageois désespérés, car ce qui est fort c'est que cette théâtralité apparente fonctionne complétement et permet d'ajouter une dramatisation subjuguante, on pouvait pas mieux commencer. Ensuite vient forcément cette maîtrise impressionnante de Kurosawa en ce qui concerne le cadre et le montage, tout est réglé au millimètre, c'est purement de l'orfèvrerie, et bizarrement ces petits excès de sauts de vitesse n'entache en rien la crédibilité du long métrage, c'est même presque implicitement rattaché au ton alternatif du récit, dans le sens où l'on peut habilement passer de l'épique à la comédie en passant par le drame, cette touche quasi burlesque est donc bonne à prendre.
Et dans le rôle du samouraï fanfaron on retrouve le fou et virevoltant Toshirô Mifune, il m'avait épaté dans "Rashomon" et là il n'a fait que confirmer mon sentiment le concernant, je l'adore, il m'a encore bien fait marrer avec ses mimiques et ses explosions de rires fulgurantes, le tempérament de chien fou de Kikuchiyo est incontrôlable et quasiment ingérable, ce qui contraste avec la sagesse du personnage de Takashi Shimura, en tout cas la compagnie se porte bien et offre un éventail de caractères se complétant parfaitement.
Les effrayantes 3h20 sur le papier défilent admirablement bien, en grande partie grâce à l'ambiance retransmise, la gestion du son par exemple est exemplaire, le film sait se taire quand il faut et réinstaller une partition musicale adéquate au bon moment, d'ailleurs la BO est de très bonne qualité, la mise en scène fait le reste et la narration est passionnante, que demande le peuple ? ... Ah oui de l'aide, le peuple est à bout, les samouraïs établissent une stratégie militaire aiguisée pour contrer l'ennemi, arment les paysans tant bien que mal et se préparent à l'indicible. Kurosawa arrive a extirper ces quelques moments de grâce et de force, sacralisés par cet esthétisme clair obscur magnifique, on a là tout les enjeux de la guerre : la crainte, le courage, la peur, l'héroïsme, la tragédie, l'épique ... Le développement se fait sans fioritures et cette dernière heure, d'avantage axée sur la bataille, est rendue très immersive, le sensei n'en fini plus de cocher ses cercles, l'embrasement rempli l'écran ainsi que les torrents de pluie et la fumée des canons de fusils, la souffrance de ces hommes transparaît, la mort rôde, à quel prix coûte la gloire et l'honneur ? Le dénouement est déchirant.
Pour sûr "Les Sept Samouraïs" est un très grand film, une pièce cinématographique unique, belle et d'une puissance indiscutable, Kurosawa m'a encore une fois bluffé par sa maîtrise, il me tarde déjà d'en découvrir d'avantage et de rattraper en quelque sorte ma naïveté en ce qui concerne le cinéma asiatique, disons que je repars sur des bases solides.