Pour quelqu'un qui a vu au moins trente fois le remake de Sturges (et je vous assure que je suis loin d'exagérer), voir Les Sept Samouraïs vaut-il le coup ? Bien sûr que oui ! Il est très amusant de découvrir les points communs entre les deux oeuvres (la personnalité des mercenaires, le recrutement de certains d'entre eux) ainsi que leurs nombreuses différences (le rythme, l'absence d'un vrai chef dans la bande ennemie chez Kurosawa, la personnalité d'autres samouraïs) qui en font deux films certes pas si éloignés, mais qui comporteront chacun des avantages et des inconvénients. Maintenant que l'inévitable comparaison est faite, passons au film en lui-même !
Fidèle à son habitude, Kurosawa privilégie les personnages à l'action et prend son temps avant de proposer des batailles. Ainsi, si vous espériez de l'action à gogo, soyez prévenus : les batailles n'arrivent qu'avec la troisième heure. Le film se décompose clairement en trois parties de plus ou moins une heure chacune : la première verra les paysans recruter laborieusement sept combattants, la seconde servira de phase de préparation, avec la planification de la défense du village tandis que la troisième narrera les durs combats qui opposeront les défenseurs aux bandits. Les choses avanceront par conséquent très lentement, comme toujours avec Kurosawa (sur ses six films vus, aucun n'est vraiment riche en action), mais lenteur ne signifie pas forcément ennui. Car de nombreux rebondissements seront là pour maintenir le spectateur en haleine : quel samouraï acceptera de combattre pour le village ? Comment réagiront les samouraïs lorsqu'ils découvriront que les paysans cachent leurs filles ? Pourquoi Kikuchiyo, le samouraï timbré du lot est-il aussi hargneux vis à vis des paysans ? Et surtout quand les bandits finiront par se montrer ? Certes si vous avez vu le remake, il est probable que vous pensiez connaître la réponse à beaucoup de ces questions. Mais comme je l'ai dit plus haut les deux oeuvres ne sont pas identiques. Ainsi je ne m'attendais pas à ce que les pertes du côté des samouraïs arrivent si tôt et qu'elles touchent certains personnages ! L'effet de surprise fonctionne donc toujours autant.
Mais le gros avantage que n'avait clairement pas Sturges, c'est Toshirô Mifune, qui campe Kikuchiyo, le fou de la bande. Par moments touchant, le personnage se révèle redoutable au combat, mais il est surtout très drôle et sort clairement du lot de par sa personnalité, là où les autres seront plus en retrait (au fond, à part le chef des sept, son jeune disciple et la fine lame du groupe, les autres n'ont pas vraiment de personnalité). Un personnage inoubliable qui permettra de relancer l'intérêt du film avec son humour lors de séquences qui il faut bien l'avouer traînent en longueur.
Mais cette longueur permet de nous préparer encore moins au premier accrochage avec les bandits. Et à partir de là le film plongera dans un climat guerrier qui aujourd'hui encore fera son petit effet, avec le chef qui comptera au fur et à mesure les pertes des bandits, les nombreuses attaques de cavaliers, l'infiltration de Kikuchiyo dans le camp ennemi et surtout l'inoubliable bataille finale sous la pluie et dans la boue. Kurosawa avait annoncé que pour qu'une scène d'action soit crédible, il fallait que l'on pense que le cascadeurs s'était vraiment fait mal. Et sur ce coup là c'est réussi : les bandits tombent de cheval abattus par des archers, d'autres tombent dans la boue et sont roués de coups, l'un d'eux est traîné par son cheval le long du chemin... Bref, les scènes d'action mettent peut être deux heures à arriver, mais elles sont toujours aussi efficaces !
En revanche j'aurai quelques réserves vis à vis du long-métrage. Tout d'abord les deux premières morts de samouraïs sont à mes yeux loupées (comme dit plus haut leurs personnalités ne marquaient pas trop, et surtout leurs morts sont précipitées) et surtout la deuxième partie est clairement le ventre-mou de l'histoire avec l'aventure entre le jeune disciple et la jeune fille et les prises de becs entre les paysans et leurs défenseurs. Heureusement que Toshirô Mifune est là pour nous faire patienter avec quelques facéties.
Mais en dehors de ces quelques défauts qui n'empêcheront pas le film d'être l'un des plus beaux représentants de son pays, Les Sept Samouraïs est aujourd'hui encore un véritable plaisir pour tout cinéphile qui se respecte et tout amateur de culture Japonaise.