Il y a un tas de raison pour expliquer en quoi Les Sept Samouraïs est un grand film.
C'est tout d'abord pour sa durée. Plus de 3h, ca peut paraître pénible, surtout pour un scénario qui se profil dès le départ. On apprend pendant l'introduction qu'un village de paysans va être attaqué, et que le sage du coin conseil de recruter des samouraïs pour le défendre. Tout cela jusqu'à l'attendue bataille finale, à la toute fin du film. Mais ces 3 heures sont totalement justifiées, je pourrai être d'avis que plus long n'aurait pas était un mal. Le nombre de sujets développés est assez hallucinant, et Kurosawa prend le temps de tout expliquer, de tout montrer. Ainsi l'introduction, jusqu'au recrutement des samouraïs, est saisissante, peut-être même la partie la plus fondamentale du film. Kurosawa montre un Japon rongé par la pénurie, pénurie en cercle vicieux puisqu'elle entraîne egoïsme et guerres, qui l'aggrave. Pendant près d'une heure, on assiste à un ballet d'horreurs, de vices, de crises, de désarroi, de cris, de pleures.
L'arrivée des sept samouraïs est un vrai souffle d'espoir pour notre histoire. Ces hommes sont épris d'humanité, de noblesse, de véritable honneur, de véritable respect du Bushido, et ce malgré la mission qui les attend, une mission sans solde ni titre. Cette deuxième partie va travailler un deuxième sujet, celui de l'opposition entre monde militaire, culturellement élevé et au caractère noble, face aux paysans coupés du monde. Si la première partie montrait le sale comportement de certains samouraïs qui méprisaient les pauvres paysans, Kurosawa se montre juste en égratignant aussi le monde de la campagne, démontrant toujours sa méfiance du manichéisme. Ainsi, il se passe quelque chose de malsain dans ce bout de terre. C'est peut-être de la crainte, de la jalousie ou de la rancoeur, mais les paysans n'aiment pas les samouraïs, malgré qu'ils viennent leur porter gratuitement leur aide.
Peut-être qu'ici se situe le seul écueil du film. La crainte des paysans vis à vis des samouraïs n'est pas assez exploité, les raisons ne sont pas toutes approfondies, mais le réalisateur se rattrape par un sens du rythme et des scènes variés, toutes intéressantes. Sont abordés des questions sur l'amour, l'honneur, les relations hommes femmes, etc. toutes bien traités.
La dernière partie du film est la plus ludique, mais la conclusion est extrêmement forte. C'est en effet la bataille, qui sans être spectaculaire (ce sont une quarantaine de bandit contre une poignée de samouraïs et de paysans), est très bien filmée. Les sentiments sont habilement alternés, entre joie, rires et pleurs. La bataille est terminée, et le sentiment est tout autant partagé, entre victoire et défaite, sur une scène conclusive magistrale, toujours dans la sobriété de mise en scène.
Il y a aussi tellement à dire sur les personnages. Entre les "figures" paysannes, rongés par leurs peurs, ou leur dévouement, par leurs contradictions. Mais surtout il y a beaucoup à dire sur les sept samouraïs, tous différentes, comme sept allégories. Du rônin sage, au samouraï désabusé, la tête brûlée morte de faim et tiraillée par ses passions, ou le parfait samouraï confucéen, travailleur patient qui ne porte en estime que sa perfection. Puis, surtout, l'incroyable faux-samouraï joué par Toshiro Mifune. Une interprétation incroyable (qui n'enlève en rien les très justes interprétations des autres personnages), pleine de mystère, un tempérament fort qui se révèle très pudique, très touché et touchant. Kikuchiyo, son personnage, sert de lien entre les différents univers : lien entre la campagne et les samouraïs, lien entre le bonheur et la tendresse, lien entre l'inexpérience du combat et le dévouement exemplaire, c'est une figure complexe par qui tout passe, et qui nous fait tout ressentir, qui justifie à elle seule les aspects comiques et tragiques du film.
Finalement, je n'ai pas parlé de la forme du film, mais il n'y a rien à dire sur les plans impeccables, le montage réussit, la photographie souvent jolie, la bonne utilisation de la musique, les dialogues bien écrits, les costumes d'époque, etc. En tout cas, si Rashomon reste mon film favori du réalisateur, ce Sept samouraïs fût pour moi un grand moment du cinéma, que je conseil en premier lieu pour aborder le cinéma japonnais, pour sa relative facilité d'accès grâce à l'universalité de son sujet et de sa morale, tout comme ses qualités cinématographiques indéniables, ou sa très large palette de sujets abordés, qui en fait une mine d'or pour l'analyse, qui reste pour ma part trop succincte.