Le film est né de l'amertume que ressentait alors Jonás Trueba, qui venait de perdre deux amis au début de la pandémie, le musicien Rafael Berrio (qu’on voit dans La reconquista) mort de cancer, et le poète Luis Miguel Madrid (qu’on voit dans Los ilusos), mort de Covid. "J’ai réussi à me convaincre de tourner ce film qui recueille un peu cette amertume mais aussi l’asynchronie qu’on sentait au moment de retrouver ses amis après le confinement, une forme de gêne de se revoir et sentir une distance qui avait grandi. Ensuite la chose se dilue avec le temps, ces doutes, cette amertume, que le film en quelque sorte documente."
Le réalisateur était très conscient de l'austérité de son film. Il ne voulait pas faire un long-métrage narratif mais qui repose sur un sentiment, aussi fugace soit-il. "Je voulais revendiquer, dans les temps qui courent, qu’on peut avoir envie d’aller au cinéma pour voir un film aussi simple que celui-ci. Le geste de proposer ça aux gens, maintenant, était très important pour moi."
Le film s'achève sur des images en pellicule dévoilant l’équipe et le réalisateur. Ce dernier a eu l'idée à la fin du tournage : "Je savais que le film devait finir dans une sorte de bouleversement, un sentiment de fugacité, comme on connaît dans la vie, où quelque chose survient et s’envole, une émotion qui dure quelques secondes..." Le compagnon de la costumière Laura Renau venait de s’acheter une caméra Super 8. Jonás Trueba lui a proposé de filmer un peu le tournage : "j’ai ajouté « et ce sera sans doute la fin du film ». Il m’a regardé comme si je blaguais, alors je lui ai dit « je rigole, ne t’inquiètes pas ! » Mais j’avais l’intuition que c’était en effet ce qu’il fallait. J’aimais beaucoup l’idée que ce soit un étranger, quoique proche de l’équipe, qui filme ces derniers plans du film, sans rien pouvoir concevoir de ma part."
Le titre renvoie à l'invitation que reçoivent les personnages, mais il s'agit aussi d'une invitation adressée aux spectateurs. "L’expérience d’un film, pour moi, peut vraiment ressembler à celle d’un bon dîner entre amis. Il devient alors un espace, confortable, où se retrouver, rester un moment ensemble. Le titre vient d’un désir de matérialiser cette idée", explique le réalisateur. "Je dois avouer que souvent les titres de mes films arrivent très tôt, ils m’aident à concevoir « philosophiquement » ce qu’on va faire."
Le film enregistre toute une série de gestes liés à la pandémie : les masques, les restrictions... Le réalisateur a beaucoup discuté avec la chef costumière Laura Renau en amont du tournage. Celle-ci ne voulait pas filmer les acteurs avec des masques. Mais pour le réalisateur, il était important de laisser une trace de la pandémie : "J’aime bien que le film témoigne de ça, même si ça le date très précisément. Sauf que le cinéma est toujours daté ! Truffaut disait que chaque film devait être le résultat d’une série de personnes et leurs circonstances du moment, et j’y crois depuis toujours. Chacun de mes films appartient à un moment très précis de ma vie. Venez voir sera toujours, même quand j’aurai oublié cette époque, le film qu’on a fait entre les confinements."