Petite Fleur n'était donc qu'une escapade ponctuelle, et française, pour Santiago Mitre qui revient à des choses bien plus sérieuses avec Argentina, 1985. Rien de moins, en effet, que l'évocation du procès des principaux membres de la junte militaire qui a régné par la meurtre et la torture, en Argentine, pendant de longues années de plomb. Un sujet en or, certes, mais encore fallait-il s'en saisir avec doigté et dignité, autour de la condamnation des exactions d'un régime ouvertement fasciste. La bonne idée du scénario a été de choisir de suivre les faits et gestes du procureur de ce procès qualifié de "plus important depuis celui de Nuremberg." En humanisant ce personnage clé, le présentant notamment au sein de sa famille ou auprès de ses collaborateurs inexpérimentés, le film ne se prive pas de nombreux traits d'humour qui allègent avec style le poids émotionnel de certains scènes de témoignage, poignantes mais jamais dans l'indécence. Même si l'on connait peu ou prou le jugement final, Argentina, 1985 se voit comme un thriller à l'américaine, d'une grande efficacité, parfaitement équilibré entre gravité et légèreté et, fait assez exceptionnel, ne comportant aucune longueur sur une durée de 140 minutes. Quant à Ricardo Darin, que dire d'autre qu'il est bien entendu exceptionnel dans un rôle taillé pour son génie ? Loué soit le festival Biarritz Amérique Latine qui l'a programmé le film pour sa clôture, quelques semaines après sa présentation à Venise. Voir Argentina, 1985 sur grand écran et entendre le public dans la salle applaudir lors d'une plaidoirie est une expérience inoubliable qui sera refusée à ceux qui le découvriront sur une certaine plateforme (au moins cela lui garantit une audience importante).