Le film a été présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.
La réalisatrice voulait écrire une grande d’histoire d’amour tragique au Sénégal, dont sont originaires ses parents : "J’y voyais là un geste politique. Le mot est fort, j’en conviens, mais il me semble qu’il est approprié. À l’époque où je travaillais sur le scénario, j’ai eu la sensation que la plupart des films africains contemporains que je découvrais traitaient de la violence, de la guerre, de terrorisme, de pauvreté... tout cela sous une forme naturaliste. Le cinéma de genre avait du mal à trouver sa place : bien sûr, il y avait quelques propositions, mais très peu. C’est à partir de cette réflexion que mon envie d’un film universel, qui parlerait aux africains mais pas seulement, s’est imposée."
Banel & Adama est le premier long-métrage de Ramata-Toulaye Sy. Il est le fruit de son travail de fin d’études à La Fémis. Elle a cependant attendu sept ans avant de passer à la réalisation, car elle ne se sentait pas assez mature pour passer derrière la caméra. C'est pourquoi elle s'est tournée davantage vers l'écriture de scénario et a cosigné, une fois diplômée, deux scénarios (Sibel et Notre-Dame du Nil). C'est en 2020 qu'elle franchit le pas en réalisant son premier court-métrage, intitulé Astel.
Le thème de la folie est capital dans le film. Avec Banel, la réalisatrice voulait montrer un personnage féminin dont la personnalité soit difficile à définir : "Tout au long du film, je voulais qu’on se demande : « Qui est vraiment cette femme étrange ? Une meurtrière ou bien une amoureuse ? Une femme sacrée ou une martyre ? ». J’évoquais Médée car pour moi, Banel est une sorte de Médée. Une femme passionnée qui tue par amour."
"J’ai grandi avec les films populaires et les blockbusters et pour moi, le cinéma est synonyme de « spectaculaire ». Après, chacun sa définition du spectacle... Pour ma part, j’aime composer mes plans comme des tableaux", confie Ramata-Toulaye Sy. Ses références sont d'ailleurs principalement littéraires et picturales : elle apprécie le réalisme magique de Toni Morrison, la tragédie de Racine, la poésie de Maya Angelou, ainsi que Van Gogh, Edvard Munch, Kerry James Marshall, Amoako Boafo en peinture.
Khady Mane, qui joue Banel, et Mamadou Diallo, qui joue Adama, sont, comme tous les autres acteurs du film, des non-professionnels. Le processus de casting, entamé cinq mois avant le début du tournage, a été long et complexe. Il s’est déroulé dans la région de Podor (au nord-ouest du Sénégal) et Iman Djionne, la directrice du casting, s’est concentrée sur les grandes villes de la région, mais aussi les villages qui les entourent. Le personnage qui a été le plus difficile à trouver est celui de Banel. La réalisatrice a repéré Khady Mane par hasard, dans la rue, un mois environ avant le début du tournage.
Banel & Adama a été tourné en langue peule dans le Fouta-Toro. "Ce qui m’intéressait dans cette culture peule, c’était son peuple, à la physionomie particulière et aux principes connus : ils expriment leurs émotions par les regards, les silences. C’est un peuple qui est connu pour être digne, mais surtout très fier. Ce qui m’intéressait le plus, c’était de confronter un personnage tel que Banel, qui est passionnée et expressive, à une telle communauté. Et puis, esthétiquement, je trouvais beau de faire un film assez silencieux où les dialogues passaient plus par le corps et les regards que par la parole", souligne la réalisatrice.