On peut l’affirmer d’emblée, même si « Harry un ami qui vous veut du bien » était un excellent thriller qui a d’ailleurs permis de le faire découvrir au grand public, Dominik Moll réalise avec « La nuit du 12 » son meilleur film. Et de loin. Un très film grand policier et un très grand film tout court. Il nous était déjà revenu plutôt en forme il y a trois ans malgré, il faut l’avouer, une filmographie en dents de scie. C’était grâce au thriller enneigé aux multiples personnages « Seules les bêtes ». Mais son nouveau film est milles lieux au-dessus. C’est simple, on a rarement vu au cinéma un film policier français aussi magistral et impressionnant. Pourtant, on n’y trouve pas de fioritures, pas plus qu’une mise en scène prétentieuse, ostentatoire ou m’as-tu-vue et encore moins de scènes musclées pour agrémenter une bande-annonce destinée à plaire aux amateurs de films policiers sous testostérone. Non, ici on a droit à une enquête sobre, factuelle et dont le réalisme frôle la perfection à tous les niveaux. C’est du grand cinéma avec un sujet qui hantera nos esprits bien longtemps après le visionnage du film, notamment parce qu’il est tiré d’un faits divers réel.
Dans « La nuit du 12 », on aura donc droit à deux heures de reconstitution très précise où ne seront présentés que les faits, avec un peu de fiction, car il est bien sûr impossible de faire revivre au spectateur un tel homicide suivi de l’enquête qui a suivi trait pour trait. Et forcément, on a le droit et avant tout à beaucoup de cinéma. Du bon et du beau cinéma. D’ailleurs, tout cela n’aurait pas été aussi réaliste et suintant de vérité sans des acteurs de talent. La bonne idée de Dominik Moll est d’avoir choisi des comédiens moyennement connus plutôt que des acteurs célèbres ou que l’on voit trop souvent tels que, au hasard, François Cluzet et Benoit Magimel, par exemple. Son choix s’est porté sur Bastien Bouillon dans le rôle-titre et c’est un coup de maître. Le jeune acteur à la tête d’ange et au visage poupin semble tenir là, si ce n’est le rôle d’une vie, en tout cas celui de la consécration. En flic taiseux, mutique et empathique, il est d’une crédibilité sans faille. Et faire du génial comédien et réalisateur belge Bouli Lanners son partenaire, un flic plus impulsif et sanguin proche du point de rupture est tout aussi malin. Leur duo fonctionne à merveille et leurs échanges, notamment le dernier, sont d’une puissance émotionnelle incroyable grâce à de merveilleux dialogues plein d’acuité (le film, tiré d’un ouvrage a été parfaitement adapté).
Moll a cherché la vérité sur chaque scène concernant, que ce soit un interrogatoire, la découverte d’un nouvel indice ou lors des recherches sur le passé de la victime. On est en totale immersion avec ces policiers, on veut connaître la vérité bien qu’un encart en début du film nous prévienne que ce souhait restera malheureusement non exaucé. Le sans faute est que cette volonté d’objectivité et de vrai se retrouve également dans la description de ce commissariat et des relations personnelles de ses membres. Les problèmes de moyens, les vies privées ratées de ces policiers ou encore leur envie de justice se ressentent comme jamais à travers le grain de la pellicule grâce à une mise en scène sobre et chirurgicale qui prend continuellement leur pouls. Lorsque dans le dernier virage on sent un coup de mou, l’arrivée de deux nouveaux personnages féminins redonne un peu de lumière de belle manière. Et, pour une fois, la morale sur la masculinité toxique très à la mode en salles en ce moment (de « Men » à « Les nuits de Mashad ») est distillée avec tact et beaucoup d’efficacité. Un grand film sur la police (plus que « Polisse » d’ailleurs qui s’apparentait davantage à une chronique de mœurs) et un grand film sur les relations souvent problématiques entre les hommes et les femmes, où les scènes à la fois humbles mais puissantes s’enchaînent sans discontinuer pour un résultat magistral et implacable.
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