La Force du nouveau film de Dominik Moll, c'est son récit ultra linéaire : dès le début on nous annonce que ce que l'on va voir est une enquête (réelle) non élucidée. Autant dire que les retournements de situation ou autre n'auraient pas fonctionnés. En plus quelques instants plus tard on y voit un jeune capitaine tout récemment promu à la PJ de Grenoble pédalant sur son vélo autour d'une piste. Mais on ne s'attend pas à voir ces officiers tourner autant en rond. Les suspects, les interrogatoires, les pistes s'enchaînent, mais rien, ça n'avance pas. Comme le prononce bien le personnage interprété par l'excellent Bastien Bouillon, chaque homme qu'ils ont rencontré aurait pu commettre cet acte (l'immolation d'une jeune femme), mais au finale pas de coupable. C'est bien ce sentiment d'impuissance total qui rend ce film bouleversant.
Ce qui est aussi particulièrement réussit ce sont les 2 principaux personnages. Déjà dotés de portait bien différents, leur approche de l'enquête l'est aussi. L'un est le jeune un peu parfait, très pro, perfectionniste, carré, presque froid. Le second plus âgé, c'est un peu le bourrin qui rentre dans le tas, et qui surtout se laisse dépasser par ses émotions et ses problèmes de l'extérieur.
A travers tous les interrogatoires auxquels nous auront droit, avec tous ces hommes bizarre, détestable pour la plupart, le portait de la victime est dressé. Une jeune adulte, perdue, qui switch entre plusieurs mecs. Il décrit par la même occasion une jeunesse de province indécise, qui se cherche en faisant des expériences à risque. Et c'est l'incompréhension pour les plus âgés. D'ailleurs cette confrontation, ou cette fracture est toujours présente. Pas que entre générations, mais face au monde en général.
La plus grande fracture est sûrement entre les hommes et les femmes. "Il y a quelque chose qui cloche entre les hommes et les femmes" dit un enquêteur. La meilleure amie de la victime assure que sa copine est morte simplement car c'est une femme. Oui c'est clair, le message féministe est parfois amené avec de trop gros sabots, mais déjà il a le mérite d'être présent et de faire réfléchir. Mais surtout il est cohérent avec le voeu de la police a trouver un constat à toute cette affaire.
Tout cette enquête aura forcément des répercussions sur les enquêteurs. Elle les bouffe de l'intérieur, les hante, ça devient une obsession, ça révolte, il y a de la haine. Mais au bout du compte on est obligé d'abandonner, de passer à autre chose, de se dire que c'est la vie, pour se libérer. Le film le montre via le personnage de Bastien Bouillon qui arrête de tourner en rond autour de sa piste de vélo, il a écouté les conseils de son amie (ex collegue qui à explosé pendant cette enquête) et il fait désormais du vélo sur route, en explorant les différents cols alpestre.
La Nuit du 12 c'est l'anti thriller, un récit sans aucune révélation, sans véritable découverte, mais qui tente toujours de se relancer. Chacune de ses relances sonnent comme un bouleversement supplémentaire.