Dans ses premiers courts métrages, Frédéric Mermoud avait déjà abordé le récit d’apprentissage. Ainsi, L’Escalier évoquait les premiers émois amoureux d’une jeune fille. Le réalisateur avait également exploré ce sillon dans Complices, son premier long, un polar qui entremêle deux lignes narratives, dont une qui raconte l’histoire d’une lycéenne tombant amoureuse d’un prostitué :
"Et, il y a plusieurs années, j’avais dit à Tonie Marshall, qui était ma productrice, que je désirais refaire un film sur ce moment clé où l’on devient acteur de sa vie et doit faire des choix. Des choix qui impactent notre vie amoureuse, nos études, notre engagement politique. Ce moment où, tout d'un coup, on décide qui on veut devenir sans être complètement sûr d’être sur la bonne voie."
"Tonie venait justement de lire un scénario d‘Anton Likiernik qui se déroulait dans les classes prépas scientifiques, ce qui m’intéressait d’autant plus que cela avait été peu filmé. Nous l’avons retravaillé ensemble."
L'un des parti pris de Frédéric Mermoud a été de ne jamais faire du personnage de Sophie une victime. Le cinéaste précise : "Je voulais être romanesque et réaliste à la fois. J’aime qu’un personnage ait les ressources de se battre, de réaliser des rêves et de se transformer. De par son parcours et ses racines, Sophie est moins consciente de certains enjeux sociaux que Diane ou Hadrien, qui comprennent mieux qu’elle l’échiquier social et maîtrisent les codes qui le régissent."
"Sophie est elle-même son premier obstacle. Mais elle va chercher à bousculer ce qui lui semble prédestiné. La personne qui la malmène le plus est peut-être sa professeure de physique, mais l’interprétation très fine qu’en donne Maud Wyler suggère une relation plus complexe : la prof semble trouver en cette élève un écho à sa propre histoire, elle essaie de la tirer vers le haut et de lui faire passer une épreuve qu’elle-même n’a peut-être pas réussi à franchir…"
Le lycée Descartes a été inventé pour le film. Frédéric Mermoud raconte : "Le lycée lyonnais très réputé, qui a un très bon taux d’intégration aux grandes écoles, c’est le lycée du Parc. Il était en rénovation et c’était compliqué d’aller y faire des repérages et d’y tourner."
"L’idée de départ était vraiment de mettre en scène une fille allant dans un lycée d’excellence en province pour que la question de « monter » à Paris ne parasite jamais son parcours. On a finalement tourné dans deux lycées lyonnais : la Martinière et Saint-Just."
L’interrogateur de l’X est joué par un certain Matthieu Rozé, qui n'est autre que le réalisateur de l'envoûtant Azuro : "Je savais que c’était un bon acteur, mais qu’est-ce qui fait que tout d’un coup le comédien incarne son personnage de manière forte et dépasse l’archétype ? C’est très mystérieux. Et Matthieu, c’est vrai, apporte quelque chose à la scène : sa façon d’être discrètement séduit par ce que raconte Sophie, mais aussi de la recadrer disant que la réalité est un peu plus complexe. C’était le dernier jour de tournage, et on a eu beaucoup de chance", raconte Frédéric Mermoud.
En amont du tournage, Frédéric Mermoud a rencontré de nombreux élèves et professeurs. Il a aussi visité plusieurs prépas et assisté aux oraux de Polytechnique. Enfin, il a pris contact avec des étudiants qui vivaient le même moment charnière que Sophie. Le metteur en scène se rappelle : "Suzanne Jouannet, qui incarne Sophie, a passé du temps avec une jeune fille qui passait les concours de l’X et, pendant le tournage, mon fils cadet a été reçu dans une prépa scientifique : il a été un peu mon insider !"
"J’ai aussi collaboré avec un jeune doctorant, Jérémie Klinger, qui passe sa thèse en physique à Normale Sup cet été, et qui a été mon conseiller scientifique : il a visé tous les exercices, vérifié les équations écrites au tableau et surtout aidé les acteurs à s’approprier ce langage qui était totalement inconnu pour eux. Il a été mon garant sur la crédibilité scientifique du projet. J’ai aussi beaucoup lu M Campus, une rubrique du Monde qui relate de façon très documentée l’actualité des différentes filières."
Frédéric Mermoud et le directeur de la photographie Tristan Tortuyaux voulaient concevoir une image dense, forte, avec des couleurs profondes, sans qu’elle paraisse trop fictionnelle. "Comme je voulais faire de Suzanne un petit cheval sauvage, nous avons opté pour un format plus ouvert, presque western en quelque sorte. On travaillait en Scope tout en restant près des personnages, donc souvent en plan poitrine ou en gros plan", précise le réalisateur.
La Voie royale repose beaucoup sur le jeu de son interprète principale, Suzanne Jouannet (premier rôle féminin des Choses Humaines d’Yvan Attal). Frédéric Mermoud développe quant au choix de l'actrice : "Je voulait trouver une Rosetta, même si je n’allais pas la filmer à la façon des frères Dardenne ! Je cherchais une sorte de petit taureau têtu, avec une énergie folle. Avec la directrice de casting Okinawa Guerard, nous avons auditionné beaucoup de jeunes actrices et Suzanne s’est imposée."
"Je sais que c’est un peu cliché, mais dès les premiers essais, j’avais eu l’intuition qu’elle incarnait exactement le personnage que je recherchais. Suzanne est solaire, d’un naturel joyeux et spontané, mais elle a aussi une dimension plus profonde, plus intense, presque borderline. Elle est hors-norme, avec une générosité de jeu et une vérité que j’ai rarement rencontrées. Je ne l’avais pas encore vue jouer dans Les Choses humaines. Elle était alors pour moi une actrice sans passé, et j’aimais ça."