Entre 1934 et 1936, soit entre "l'homme qui en savait trop" et ce "quatre de l'espionnage", la technique cinématographique, du moins celle utilisée par Hitchcock, n'a pas fortement progressé. On date de 1941, et de "Citizen Kane", le premier emploi de la "profondeur de champ". Ici les acteurs sont perçus comme au théâtre sans arrière-plan autre que décoratif. Le son, bruitages, musiques, dialogues, stéréophonie, intensité, pureté, va également beaucoup progresser. Cela ne veut pas dire que la richesse, la beauté et l'intérêt des films vont eux aussi également progresser. Le scénario du présent film, pourtant tiré de Somerset Maugham, n'a pas spécialement inspiré Hitchcock. Pour ma part, je trouve qu'il y a trop de dialogues, souvent inutiles, et que l'action n'avance pas, sauf à la fin, dans le train turc, où Sir Alfred trouve une bonne dynamique. Pour un habitué de la Suisse, comme lui, le folklore local, yodl, costumes, chants, danses, blagues et fendant, est pauvrement mis en valeur. C'est tristounet. L'acteur principal, Sir John Gielgud, plus habitué aux tirades shakespeariennes, qu'Orson Welles fera jouer dans "Falstaff", est lui aussi légèrement coincé. On a du mal à imaginer que la belle espionne désabusée en pince pour lui. Quant à Peter Lorre, heureusement qu'il est là pour apporter un peu de piment à l'histoire. Ce n'est plus l'assassin introverti de "M le maudit", ou le chef de bande vicieux et calculateur pourchassant celui "qui en savait trop", mais un tueur psychopathe, rigolard et dragueur, avec de la suite dans les idées. Sir Alfred reprendra la scène de la poussée dans le vide, notamment dans "Correspondant 17". Rien de créé ne se perd. Pour conclure, je ne peux pas mettre moins de trois à un Hitchcock, même si ce n'est pas le meilleur.