Un film sur les filles, réalisé par une jeune femme, Yukiko Sode, un film qui parle de la condition des femmes dans ce Japon urbain hyper -moderne -les vues de Tokyo, où il n'est guère d'espace entre gratte-ciels et buildings qui ne soit occupé par une grue ou une tour de télécommunication sont littéralement terrifiantes!- New York ou Chicago, à côté, c'est de la gnognotte....
La condition des femmes, mais des bourgeoises, et bien sûr la critique est facile: on se moque des petites misères de ces friquées- et pourtant, pour les yeux européens, il est toujours fascinant d'observer ce grand écart entre l'occidentalisation de la vie publique, et l'extrême politesse, toute codée, qui régit les rapports sociaux (du moins dans les classes élevées); on se salue avec une petite courbette; on ne se permet aucun geste intime en public....
Au Japon, une femme ne saurait avoir de statut social que mariée. Passé trente ans, on est une vieille fille dont personne ne veut et dont personne, donc, ne voudra. Alors, pour éviter cette déchéance, mieux vaut accepter les "rencontres arrangées" par la famille. Après la rupture avec un premier fiancé, Hanako (Mugi Kadowaki) se décide à sauter le pas, et rencontre une belle brochette de neuneus et de mochetés, jusqu'au jour.... jusqu'au jour où son beau frère lui fait connaître un jeune collègue, Koichiro (Kengo Kora), qui a tout: il est beau garçon, charmant.. et riche.
Hanako est jolie, réservée, timide. Elle appartient à une famille de médecins; son père possède une clinique; une de ses soeurs, médecin elle-même, est divorcée. Mais on voit bien qu'Hanako manque terriblement d'assurance et qu'elle est complètement soumise aux normes sociétales portées par sa mère et sa grand mère, contrairement à sa meilleure amie, violoniste, qui veut rester indépendante. Dans cette société où les hommes travaillent beaucoup et où, finalement, hommes et femmes vivent séparés, c'est important, les amies..
Ce qui est fascinant c'est de voir cette structuration de la société en castes; car la famille de Koichiro, dans laquelle elle va rentrer, c'est encore autre chose. Chez les grands bourgeois, les intellectuels, il est bien vu que les jeunes femmes travaillent, au moins jusqu'à l'arrivée des enfants (à condition qu'elles soient en même temps des maitresses de maison exemplaires). Mais Hanako rentre chez les aristocrates, des grandes familles de chefs d'entreprise où traditionnellement le fils aîné fait de la politique, et où on ne s'assoit pas à table pour un grand déjeuner; on glisse sur les genoux pour se glisser sur son coussin... et là, évidemment, une femme reste à la maison!
Or Koichiro a une maitresse, depuis dix ans; ils se sont connus à l'université. Mais à l'université, Miki (Kiko Mizuhara) n'a pas pu rester. Les universités sont très chères, et dans sa très vulgaire famille provinciale, le père est chômeur, genre: chômeur professionnel... Alors Miki monte à la capitale, fait des petits boulots, genre hôtesse, et finalement réussit dans l'événementiel: jolie, toujours à l'aise, souriante, intelligente, elle est l'hôtesse idéale; avec sa meilleure amie, car elle aussi en a une, bien décidée à réussir par elle même, elle va monter sa propre boite. Quand elle apprend que Koichiro va se marier, elle rompt.
Pourtant, Hanako et Miki vont se rencontrer....
Moi qui suis fascinée par le Japon où, malheureusement je ne suis jamais allée, j'ai été passionnée par le côté sociologique du film. Je peux comprendre que certains le trouvent un peu longuet; ou se disent que le sort de ces pauvres petites filles riches, ils s'en fichent.. mais on ne peut qu'être admiratifs de l'élégance, de la subtilité, de la délicatesse de ce film, qui s'inscrit dans cette génération de cinéastes à la Hamaguchi qui ont résolument tourné le dos à l'ère Kurosawa.... mais ne sont peut être pas si loin de Mizoguchi. La patte japonaise, l'identité japonaise, elle est très forte.