Comme le feu : les secrets du tournage

Pour le scénario de Comme le feu, Philippe Lesage s'est inspiré d'une histoire que son grand frère, qui est documentariste, a vécue. Lorsqu'il était jeune, il a été invité par l'entre-mise d’amis de ses parents à aller passer une semaine chez un grand cinéaste légendaire au Québec. Philippe est parti de cette prémisse pour laisser aller son imagination, puiser dans son vécu et aborder des questions qui l'ont préoccupé à un moment ou un autre de sa vie. Le cinéaste confie : "Je trouvais intéressant de partir sur la base d'un jeune qui rencontre un adulte pour lequel il a beaucoup d'admiration. Et questionner à partir de cela cette idée du mentor et des modèles."

"Lorsque j'étais un jeune étudiant, j'ai eu également ce besoin de validation. Parfois, ça a été extrêmement bénéfique, car il n'y a rien de plus enrichissant pour une jeune personne que d'avoir un professeur qui s'intéresse à lui, qui lui donne confiance, par exemple, en l'encourageant à écrire. C'est souvent là que se forment certaines vocations. C'est un privilège de pouvoir vivre ça. Mais parfois, on sent aussi que ça peut avoir ses limites. Dans le sens où ces modèles adultes, ces mentors, parfois, peuvent, au moment de vraiment nous aider, nous laisser tomber, nous décevoir et même devenir des rivaux. Il ne peut plus y avoir de transmission si le modèle se retourne contre vous."

Comme le feu a constitué l'occasion, pour Philippe Lesage, de sortir de sa zone de confort urbaine pour transposer le récit dans une nature omniprésente, voire menaçante, d'où l'on ne peut s'échapper : "Je ne cacherai pas qu'après trois jours à la campagne, je n'en peux plus, et qu'il y a quelque chose de stimulant à se plonger dans un univers qui nous paraît hostile au préalable. Ici, la nature ne permet pas aux personnages de s'échapper de l'emprise que les uns ont sur les autres. Elle n'offre aucune issue de secours. Cinématographiquement, le huis clos plus radical, quoique parfois réalisé avec virtuosité, ne m'intéressait pas plus."

"Je tenais d'emblée à ce que la forêt sans fin, ses lacs placides, ses rivières tumultueuses, s'inscrivent totalement dans l'expérience du film. D'où ce choix du format scope, des objectifs caméra, et de revisiter avant le tournage, mes collaborateurs et moi, des films du passé où la nature me semble avoir été captée dans toute sa splendeur et sa violence tels Délivrance ou Voyage au bout de l’enfer. Je ne cacherai pas qu'une certaine nostalgie du cinéma des années 70 a teinté tout le processus."

Philippe Lesage se rappelle : "J’ai cherché l'acteur idéal pour le rôle de Blake un peu partout, au Québec comme en Europe, puis on m'a parlé d’Arieh. Notre première rencontre s’est faite par Zoom, où je lui ai d'abord donné la réplique. Nous sommes rapidement sortis du texte, avons improvisé, et j'ai trouvé ça formidable. Arieh se transforme de manière absolument étonnante à chacun de ses rôles. Il est très différent dans Comme le feu ou Le procès Goldman, par exemple. Arieh était déjà familier avec la grande forêt canadienne, c'est un aventurier, nous avons eu de longues discussions sur son personnage et au fil du temps, son cahier de notes est devenu plus gros que mon scénario (rires)."

Arieh Worthalter est devenu la base du casting, sur laquelle tout s'est construit : Paul Ahmarani dans le rôle d'Albert, Noah Parker dans celui de Jeff, Aurélia Arandi-Longpré dans celui d'Aliocha, etc. Philippe Lesage raconte : "J'apprends ensuite à travailler avec chacun des acteurs selon leurs tempéraments, certains ont besoin de beaucoup d'indications, d’autres pas du tout. Il était primordial pour moi que tous les personnages du film aient une présence distincte, une couleur spécifique, même ceux qui ne disent que quelques mots."

"Nous avons passé près de trois mois au cœur des ténèbres de la forêt québécoise, complètement isolés des centres urbains, vivant dans des cabanes en bois. Si j'avais mal choisi mon équipe, ça aurait pu être catastrophique et nous nous serions peut-être entretués (rires), mais je crois que nous avons tous vécu une expérience forte et positive qui a été bénéfique au film."