La petite bombe inattendue de l’année, la voilà! Et pour un coup d’essai, c’est un sacré coup de maître de la part de l’actrice (et fille de) Zoë Kravitz. Pour être honnête, on n’attendait pas grand-chose de ce thriller exotique qui semblait tape-à-l’œil même si les prémisses s’avéraient pour le moins intrigantes. Et bien on avait tort tant « Blink Twice » nous cueille dès sa première scène pour ne plus nous lâcher durant une bonne heure et demie et nous scotcher à notre siège avec un crescendo de tension exceptionnel. Le seul tort de cette petite bombe de suspense est peut-être de passer après l’excellentissime « Le Menu », qui développe des ressorts parfois similaires et un contexte ressemblant, ainsi que le devenu incontournable « Get Out », avec qui il partage sa satire sociale et sa plongée progressive dans l’horreur réaliste et intellectuelle. Sans être des références pour la néo-réalisatrice, son film lorgne parfois un peu sur eux et le sien y perd un chouia en originalité et innovation. Autre minuscule hic : les personnages secondaires sont très peu creusés et parfois semblables à des vignettes mais c’est souvent le cas sur ce genre de film de groupes et les développer plus aurait peut-être fait perdre au film son rythme et son efficacité.
« Blink Twice » nous cueille et nous hypnotise aussi bien par son script machiavélique que par sa forme très agréable à l’œil mais surtout minutieusement travaillée. Sur le premier versant, l’histoire de cette jeune femme qui va comme par magie se retrouver dans le cercle rapproché d’un jeune milliardaire qui va l’emmener sur son île privée a tout du conte de fées. Mais l’ambiance et moultes détails étranges nous font vite comprendre que quelque chose cloche. Le scénario pose admirablement et minutieusement ses pions où chaque détail compte (ne clignez pas des yeux d’ailleurs). Petit à petit, le film va nous faire glisser du Paradis à l’Enfer avec un sens du rythme et de la précision remarquable. Chaque séquence va remettre en question la suivante et nous happer, curieux de voir ce que nous réserve la suite et le fin mot de l’histoire. Les rebondissements s’enchaînent à bon rythme et tout le puzzle se met en place jusqu’à un épilogue extrême et jubilatoire qui fait froid dans le dos. D’un film de vacances à l’enquête étrange puis au thriller macabre pour finir en bain de sang gore, le premier long-métrage de Zoë Kravitz est d’une précision admirable.
Mais s’il n’y avait que l’histoire qui nous captivait... La mise en scène de la jeune cinéaste est novatrice et en parfaite adéquation avec son sujet. Les images, la photographie et les cadrages sont certes magnifiques mais ce n’est jamais gratuit, Kravitz n’est jamais dans l’esbrouffe ou l’effet de mode. Ils servent totalement le propos et le glissement progressif vers la noirceur trouble et vénéneuse de ce qui se trame sur cette île. La bande sonore faite de bruits inquiétants et anxiogènes, les cadrages biscornus et le montage malin et habile sont tous parfaitement orchestrés et participent au malaise qui se dégage de « Blink Twice » tel un poison doux mais violent. Petit à petit, les courtes séquences inquiétantes, rares au début, vont prendre le pas sur l’ambiance festive et superficielle entre les convives. Des indices nous mettent la puce à l’oreille mais le dénouement est encore pire que prévu, dans le bon sens du terme. Fonctionnant comme une catharsis pour le spectateur, le carnage final suite à la découverte du pot au rose pourrait figurer au panthéon des films de vengeance. Un petit bijou de férocité et de lâcher prise où l’atmosphère étouffante tranche avec le côté idyllique des lieux.
Le casting est en outre également très intéressant mêlant jeunes pousses telles que l’actrice principale Naomi Hackie, découverte dans le biopic sur Whitney Houston, ou encore la belle Adria Arjona tiennent la dragée haute à un Channing Tatum qu’on n’avait pas vu aussi bon depuis des lustres, inquiétant et charmant à la fois. On retrouve aussi de vieilles gloires du cinéma des années 90 telles que Geena Davis (drôlissime) ou Christian Slater. Une distribution inattendue et qui nous régale tout autant que le film nous met mal à l’aise. Et puis, bien sûr, il y a le fond. Certes le féminisme, la masculinité toxique, la lutte des classes, des sexes et des ethnies est à la mode mais elle est ici fondue dans un cocktail parfait et explosif qui s’avère hautement intelligent en plus d’être corrosif, délicieusement ludique et féroce. « Blink Twice » nous fait prendre notre pied et révèle par la grande porte une jeune cinéaste ambitieuse et à suivre qui en a sous le capot. Un régal à ne pas mettre sous tous les yeux!
Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.