Au début des années 2010, Alexander Payne a vu Merlusse (1935) de Marcel Pagnol, qui raconte l’histoire de quelques lycéens laissés-pour-compte à l’internat. Durant les vacances de Noël, ils doivent faire face au plus redoutable des surveillants, Merlusse, au visage balafré. Le réalisateur a envisagé ce film comme un excellent point de départ pour une nouvelle histoire.
La chance a voulu qu’un scénario atterrisse alors sur son bureau, qui venait directement étayer son idée. Alexander Payne se remémore : "David Hemingson avait écrit un excellent pilote pour une série qui se déroulait dans un lycée privé pour garçons. Je l’ai contacté et je lui ai dit que je ne souhaitais pas réaliser le pilote mais lui soumettre une idée de long métrage."
Le pilote qu’a écrit David Hemingson se déroulait dans les années 80, mais pour Alexander Payne, il allait falloir remonter 10 ans plus tôt. "Il m’a dit : 'C’est l’histoire de trois personnes seules pour Noël. Ça montre la façon dont leurs rapports évoluent avec ce qu’ils vivent durant ce break'", raconte le scénariste, qui a développé, en collaboration avec le cinéaste, une histoire centrée sur des personnages s’inspirant de son propre vécu : "Mes parents ont divorcé quand j’avais 5 ans et je ne voyais plus trop mon père."
"Mon père était professeur dans un établissement privé à Hartford, la Watkinson School, et ma mère m’a dit : 'On devrait t’inscrire là-bas, ça te donnerait l’occasion de mieux connaître ton père'. J’y ai passé six ans et plusieurs des personnages du film sont des composites de gens que j’ai rencontrés là-bas. C’est un univers tellement à part, on y est confronté à beaucoup de richesse et de privilèges, mais aussi à beaucoup de souffrance. L’adolescence est une phase difficile."
Winter Break a été tourné entièrement en décors naturels dans le Massachusetts. Pas un seul plan n’a été tourné en studio.
Winter Break est le premier film d’époque réalisé par Alexander Payne, même s’il ne manque pas de faire remarquer qu’il a l’impression que ses films en sont tous : "D’une certaine façon, je fais des films se déroulant dans les années 70 depuis toujours. Mes films s’attachent aux qualités humaines, pas à un quelconque dispositif narratif, à des conventions ou à un artifice. J’aime les personnages et les histoires qui se rapprochent de la vraie vie plus que de la vie au cinéma. J’ai étudié l’histoire et je m’y intéresse encore beaucoup. Je me rends compte que les films d’époque sont ce qui s’apparente le plus à un voyage dans le temps. J’ai adoré vivre cette expérience."
Dès la première image de Winter Break, les spectateurs vont être ramenés en 1970, par le grésillement de la bande-son, les couleurs désaturées et le graphisme rétro du logo des studios : des éléments connus de ceux qui allaient au cinéma avant l’âge du numérique. Alexander Payne a volontairement réalisé un film qui ne se passe pas seulement en 1970, mais qui aurait pu être réalisé en 1970 : "Je me suis persuadé moi-même que je réalisais un film à cette époque, malgré le fait que j’étais entouré par tout le matériel et les techniciens avec lesquels on tourne les films de nos jours."
Pour figurer Barton Academy, Alexander Payne et le chef décorateur Ryan Warren Smith cherchaient un établissement qui respirerait le respect des traditions, un lieu qui aurait été très peu altéré et dont la structure serait restée intacte. Il ne suffirait plus alors que d’en changer le mobilier. Au final, ils ont choisi de combiner plusieurs établissements : Deerfield Academy à Groton, St. Marks à Southborough et le lycée de Fairhaven, tous situés dans le Massachusetts.
"J’ai fait d’importantes recherches et j’ai créé un lookbook pour avoir des références visuelles. Alexander m’a poussé à utiliser beaucoup plus de couleurs que je ne le fais d’habitude, dont beaucoup de couleurs désaturées. On s’est rendu compte que la dominante de ces établissements était le marron des boiseries et on a utilisé d’autres couleurs pour contrebalancer ça, avec les papiers peints, les voitures, etc.", se rappelle le chef décorateur Ryan Warren Smith.
Presque 20 ans après Sideways, le réalisateur Alexander Payne et l’acteur Paul Giamatti se retrouvent pour Winter Break.
Les costumes devaient correspondre à l’époque, bien sûr, et en ce qui concerne M. Hunham, la chef-costumière Wendy Chuck se souvient : "Alexander m’a dit : 'C’est une version de M. McAllister, le personnage incarné par Matthew Broderick dans L’Arriviste.' Ses vêtements sont insipides et ringards. Il ne renouvelle pas sa garde-robe et ne s’intéresse pas à la mode, mais il reste professionnel et respectable. Alexander a aussi spécifié que ses vêtements devaient être élimés. C’était les directives de départ."
Le comédien Paul Giamatti ajoute : "J’avais une idée fixe : un manteau avec des boutons Brandebourg. Mon père en avait un en velours côtelé. Pour moi, il représentait un certain genre d’intellectuels. Impossible de me l’ôter de la tête, ce qui ne m’arrive jamais. J’ai insisté. Les costumes peuvent participer à vous faire jouer différemment, alors j’écoute mon instinct. C’est toujours un mélange d’intériorité et d’extériorité qui me fait entrer dans mon personnage. Le costume est très important pour moi."
Lors des repérages, Alexander Payne et le directeur de la photographie Eigil Bryld ont découvert un bowling qu’il leur a été impossible de ne pas utiliser. Le décorateur raconte : "Il n’y avait pas de scène de bowling dans le scénario, mais quand on a vu cet endroit, on est restés scotchés. On a retravaillé une scène pour qu’elle puisse s’y dérouler. Alexander est toujours ouvert à l’irruption de la vie et aux découvertes qui profitent à ses films."
Au début de l'histoire, quatre autres élèves sont retenus à Barton avec Angus Tully : Jason Smith (Michael Provost), un fils à papa sportif et un peu borné ; Teddy Kountze (Brady Hepner), une espèce de brute qui résout tout par la violence ; Ye-Joon Park (Jim Kaplan) dont la famille est en Corée, et Alex Ollerman (Ian Dolley), un jeune mormon au naturel enjoué dont les parents sont missionnaires.
David Hemingson s'est inspiré du roman de Thomas Hughes, Tom Browns’s School Days (1857), que son oncle lui avait offert quand il était petit. Bien que le livre ait été écrit en Angleterre dans les années 1850, les personnalités des garçons ne diffèrent guère d’aujourd’hui : "Dans le livre, il y a un redoutable méchant du nom de Harry Flashman, une grosse brute se croyant tout permis. Teddy Kountze a clairement hérité de lui."