Désireux d’aborder dans un film les rapports entre les hommes et les animaux, dans une approche qu’ils souhaitaient à la fois poétique et politique, Claudine Bories et Patrice Chagnard sont venus passer de longs séjours à Evolène, dans le Val d’Hérens, dans un chalet rustique proche du chalet abritant à l’année Elise et Nicole Fauchère, deux éleveuses de vaches d’Harens. Parmi les vaches de leur troupeau, Vedette, une vache âgée, une Reine que l’âge était en train de rattraper. Une vache avec laquelle Claudine Bories a appris petit à petit, après des débuts difficiles, tout ce qu’il fallait faire pour qu’elles deviennent bonnes copines : lui parler, la caresser, lui donner du pain à manger, lui lire des extraits de textes de Kundera et de Descartes dans lesquels les rapports entre les hommes et les animaux sont évoqués. Oui, Descartes avec sa théorie de l’animal-machine qui met l’animal à peu près au même niveau qu’une horloge, « ne ressentant ni plaisir, ni douleur, ni quoi que ce soit d’autre », la différence étant que les horloges sont des machines faites par les hommes alors que les animaux sont des machines faites par Dieu.Ces longs moments avec Vedette et les conversations qu’elle a eues avec Elise et Nicole Fauchère ont permis à Claudine Bories de renforcer ses convictions sur les bonnes pratiques en matière de rapports entre les humains et les animaux. Elle a bien pris conscience que chaque animal avait sa propre personnalité et qu’une Reine sur le déclin du fait de son avancée en âge avait la capacité de ressentir ce déclin et d’en tenir compte. A contrario de l’élevage industriel et de son inhumanité, Claudine et Patrice ont apprécié le type d’élevage pratiqué dans ces montagnes du Valais, un élevage tellement familial qu’on a l’impression que les vaches font partie de la famille, avec les portraits des Reines qui sont accrochés aux murs de la pièce à vivre du chalet. Le sujet des rapports entre l’homme et l’animal lorsque ce dernier est servi dans une assiette et même celui de ce rapport lorsqu’il s’agit d’un animal que vous avez élevé vous-même sont traités avec finesse grâce, en particulier, au discours des deux éleveuses, Elise et Nicole Fauchère. Magnifiquement photographié par Patrice Chagnard, "Vedette" arrive à passionner le spectateur même si on peut penser que le fait de raccourcir certaines scènes, de couper en tout un petit quart d’heure, lui aurait donné encore plus de force.