Au sein d’une famille égyptienne et alors que l’on fête les quatre ans du fils aîné, un tour de magie (au cours duquel, nous, spectateurs, étions jusqu’alors certains d’en voir les ficelles) tourne à la catastrophe. La boîte en bois dans laquelle le père s’allonge lors de la démonstration sera son cercueil. Il se volatilise, littéralement, laissant sa place à une poule. Dès lors, la mère se retrouve seule avec ses trois jeunes enfants et le gallinacé.
Si l’intrigue de Plumes semble dans un premier temps complètement déjantée, nous laissant rêver autant que les personnages à l’utopie que cette disparition relève de la magie, nous comprenons qu’il n’en est rien. La monotonie de la vie de la mère, traduite par des éternels plans fixes nous confronte à la réalité : la magie n’existe pas. Les courtes scènes de vie quotidienne, qui s’enchaînent avec rythme et se répètent en encadrant le film, mettent en exergue le caractère routinier de la vie.
La force de ce long-métrage émane de la neutralité de sa représentation, caractérisée par une esthétique de l’immobilité, sans mouvements de caméra. Le réalisateur refuse de s’adonner à une forme de pathos, il encourage le spectateur à interpréter seul ce qu’il voit. Nous retrouvons cette neutralité à la fois dans la non-expression des émotions du personnage maternel mais également au sein-même du récit. L’émotion n’a pas sa place, elle n’a pas le temps de s’installer. À chaque fois qu’une scène déclenche ne serait-ce qu’une once de tristesse ou de bonheur, elle est brutalement coupée.
Si la figure paternelle refait surface, à la manière d’une résurrection, elle disparaît une seconde fois comme par magie, comme un mirage, et à nouveau dans un hors champ (bien que dans le champ). Le sang animal, montré sans condamnation jusqu’alors s’assimile à présent au sang humain. La légèreté de ce qui s’élève s’oppose à la lourdeur de ce qui tombe et se répand. Bercé par le son de la télé, des plumes s’envolent, du sang coule dans l’évier et le cycle reprend.
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