Un cambrioleur pénètre dans un luxueux penthouse new-yorkais pour y dérober des oeuvres d’art. Il s’y retrouve piégé, sans contact avec l’extérieur. La crainte d’y être à tout jamais enfermé se substitue bientôt à celle d’y être cueilli par la police. D’autant que l’eau y a été coupée et que la climatisation fait des siennes.
À l’intérieur a évité de justesse la sortie en bac. Il n’est guère distribué que dans une seule salle parisienne, l’UGC Ciné Cité des Halles, où une foule nombreuse s’y pressait hier après-midi. Elle était composée de quelques cinéphages comme moi, qui ne ratent aucune sortie, et de beaucoup de jeunes mangeurs de pop-corn, attirés par un pitch qui leur faisait miroiter un thriller. Ils sont sortis de la salle dépités, s’insultant joyeusement : « Trop nul ce film ! Plus jamais je te laisserai choisir le programme ! »
C’est qu’À l’intérieur joue sur deux ou trois registres. Le premier, qui a attiré ces jeunes spectateurs, est celui du survival movie. On connaît les lois du genre et quelques précédents d’anthologie : Tom Hanks échoué sur une île déserte ("Seul au monde" rediffusé ce soir), Robert Redford prisonnier d’un voilier en perdition ("All is lost"), James Franco, le bras coincé sous un rocher ("127 Heures")… Sacré gageure pour le scénario que de ménager des rebondissements à une histoire qui se déroule avec un seul acteur dans un lieu unique. Et de lui trouver une conclusion qui sorte de l’inévitable alternative : le héros est sauvé/pas sauvé.
Mais, à cette dimension là, "À l’intérieur" en greffe une autre, plus audacieuse. Voire deux autres. La première, à peine ébauchée, mais bien présente, est une critique anticapitaliste des hyper-riches, de leurs privilèges scandaleux, des oeuvres d’art qu’ils entassent dans des appartements qu’ils désertent. La seconde, plus approfondie, est une réflexion sur l’Art. Très alambiquée, elle se résume tout compte fait à pas grand-chose : la destruction est créatrice. Car notre Arsène Lupin new-yorkais, incarné par un William Dafoe incandescent qui, à près de soixante-dix ans, garde une forme olympique tout en portant sur son corps marqué les stigmates de l’âge, se pique d’être artiste lui aussi. Et, moitié par désœuvrement, moitié par l’effet de la folie qui gagne, il transforme l’appartement où il est piégé en gigantesque oeuvre d’art.
On ressort du film, sans doute moins catégorique que ses voisins mangeurs de pop corn. Tout n’est certes pas à jeter dans ce film. Mais, faute d’être un survival movie palpitant, faute de proposer sur l’Art une réflexion stimulante, il échoue sur tous les tableaux. Un comble pour un film sur la peinture !