Le Gang des bois du temple s'inspire d'un fait divers survenu en 2014, au cours duquel un gang lourdement armé de la Seine-Saint-Denis a attaqué, sur une bretelle de l’autoroute A1 à hauteur de la porte de La Chapelle, un van noir transportant les affaires personnelles d’un prince arabe, un homme parmi les plus riches du monde. Rabah Ameur-Zaïmeche raconte : "La tête pensante du coup était un Gitan du Val-d’Oise, dont l’oncle était l’une des grandes figures du banditisme... Pour lui, c’était à la fois un hommage familial et un véritable défi de se porter à sa hauteur. Et il s’était associé à une bande de lascars de la cité des Bois du Temple."
L'assassinat en 2018 du journaliste Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite, à Istanbul, a marqué le réalisateur. Initialement proche du pouvoir saoudien, Khashoggi était entré en dissidence à partir de 2017, à la suite de l'avènement du nouveau prince héritier, Mohammed ben Salmane. "J’étais sidéré à la fois par la brutalité de l’acte et par l’impunité d’une telle violence sanguinaire, commise par de hauts dignitaires si puissants qu’ils se croient au-dessus des lois et de la justice humaine. Nous avons décidé de mêler ces deux faits divers et d’en faire un nouveau scénario."
La cité des Bois du Temple se trouve à Clichy-sous-Bois, au Nord-Est de la Seine-St-Denis. Elle a été construite à la fin des années 60 sur des marécages au milieu des bois, tout près d’une vieille chapelle, d’une source réputée miraculeuse et de trois croix, dressées à proximité. Rabah Ameur-Zaïmeche se souvient : "J’ai grandi dans la cité des Bosquets à Montfermeil et, enfants, nous traversions le Bois des Loups, frontière naturelle entre Montfermeil et Clichy, et allions jouer sur l’aire de jeux de la cité des Bois du Temple. Il y avait des tourniquets et des toboggans à deux bosses... Pour nous, c’était carrément les montagnes russes !" Le Gang des bois du temple a été conçu comme un hommage à la fois au film noir et aux quartiers populaires.
Le film n'a pas été tourné à Clichy-sous-Bois mais à Bordeaux dans la cité de Grand Parc, elle-même construite sur d’anciens marais. Cette cité était vouée à la destruction jusqu’au dernier moment, puis sauvée miraculeusement par l’UNESCO qui l’a classée au patrimoine mondial. Le tournage s'est aussi déroulé à Marseille. Le réalisateur résume : "En somme, que ce soit en banlieue parisienne, bordelaise ou marseillaise, les territoires urbains se ressemblent et se réinventent sans cesse."
Avec ce film, Rabah Ameur-Zaïmeche évoque aussi bien le racisme que la lutte des classes et interroge la multiplicité des identités arabes dans l'Hexagone. "En France, comme partout ailleurs, il vaut mieux être un Arabe riche, voire très riche, qu’un Arabe des quartiers populaires... Le racisme est d’abord une arme dirigée contre les pauvres, pour mieux les diviser. Les jeunes des quartiers issus des minorités en sont conscients et savent pertinemment qu’ils sont inscrits dans des rapports figés où ils sont les dominés. Par conséquent, certains d’entre eux refusent d’y participer. Ils préfèrent plonger dans des spirales délinquantes parce qu’ils portent en eux les germes de la révolte et de la contestation sociale, même s’ils sont loin des idéologies qui ont prôné la lutte des classes et dans lesquelles se retrouvait autrefois la jeunesse des milieux ouvriers."
Rabah Ameur-Zaïmeche propose une approche très réaliste du thriller. Il a grandi en regardant des films de gangsters diffusés à la télévision, où l'enquête policière occupait une large place, au point parfois d'occulter l'environnement des personnages. "Un de mes cinéastes préférés est Melville, même si la représentation qu’il donne de ses personnages, dans Le Samouraï par exemple, exclut la question de leur condition sociale. Les miens apparaissent pleinement comme des enfants des quartiers populaires, ils sont totalement incorporés dans les rapports de classe."