Le film a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2021.
« C’est un peu tarte à la crème de dire cela, mais la représentation du monde, comme l’histoire, est écrite par les puissants. J’ai besoin de continuellement revenir sur les luttes sociales, les événements historiques laissés sous le tapis, de travailler les endroits de non-dit de l’histoire officielle. Je redonne voix aux histoires fragiles, oubliées, aux personnes laissées de côté, comme le sont les ouvriers. Retour à Reims [Fragments] est ainsi pour moi une manière de raconter une autre histoire de la France du XXe siècle », affirme Jean-Gabriel Périot.
Le film de Jean-Gabriel Périot est une adaptation de Retour à Reims, un essai autobiographique du sociologue et philosophe Didier Eribon, paru en 2009. Le réalisateur l’avait lu à sa sortie et c’est la productrice Marie-Ange Luciani qui l’a contacté dix ans plus tard pour lui proposer une adaptation. « D’ordinaire, je n’accepte pas de commande. Cependant, en relisant le texte je vois se déplier des possibles. Je ne viens pas d’une famille ouvrière mais plutôt de travailleurs pauvres. [...] Mais malgré cette différence, son texte m’a touché, je m’y suis souvent projeté. »
Dans son livre, Didier Eribon évoque son homosexualité, l’homophobie du monde ouvrier et de son père. Le film, lui, n’en fait pas mention. Le réalisateur justifie ce choix : « Retour à Reims est un texte kaléidoscopique, avec beaucoup de thématiques et de personnages. En l’adaptant dans son intégralité, je craignais de les survoler. J’ai donc fait le choix de me concentrer sur les parents de l’auteur pour construire un récit plus précis. » Il a ainsi décidé d’accorder plus de place aux femmes : « Comme je viens d’une famille de femmes, cela me touchait particulièrement. »
Le réalisateur souhaitait la voix d’une jeune femme pour lire le texte d’un homme d’âge mûr, afin de le rendre plus accessible et universel. Le choix d’Adèle Haenel a été une évidence : « Quelque chose dans sa voix m’apparaît comme populaire et trahit ses origines sociales. Elle incarne également une nouvelle histoire de l’engagement et des luttes, celle de sa génération. Tout faisait sens. »
Comme sur tous ses films, Jean-Gabriel Périot a collaboré avec la documentaliste Emmanuelle Koenig. « Les archives audiovisuelles sont bien conservées en France grâce à des institutions comme l’INA ou Ciné-archives qui conservent les images du PCF et de la CGT, et des producteurs comme Pathé et Gaumont. Cela permet d’avoir accès à des banques de données organisées et propres. » Périot entreprend un premier montage après avoir fait un inventaire de la matière filmique la plus facilement disponible. En parallèle, il entreprend des recherches pour approfondir ses références. « Un travail d’allers et retours s’installe entre montage et recherches. Le film s’affine au fil du temps. Le montage est une part importante de l’écriture d’un film d’archives. Je monte seul car j’ai besoin de sentir les images, leur matérialité, d’y être plongé ».