Lorsque le condor se sent fatigué, lorsqu'il n'a plus envie de planer dans les airs, puis de fondre sur une proie, lorsqu'il comprend qu'il est vieux, quoi... il se pose sur le sommet de la plus haute montagne, replie ses ailes sous lui, et se laisse tomber comme une pierre...
Film magnifique et méditatif, ça c'est sûr: il ne sort pas des studios Marvel! ce film nous fait toucher du doigt, bien mieux que des baratins militants, l'urgence climatique.
Tout est beau, des intérieurs filmés à la bougie aux paysages amples, majestueux...mais arides où Virginio et Sisa tentent de survivre. Ils ont du être beaux, dans leur jeunesse, et on voit qu'il y a encore beaucoup de tendresse entre eux mais Virginio est un homme dur, fermé, autoritaire, grognon. Son boulot, à lui, c'est de s'occuper des lamas. Leur seule richesse, c'est un grand troupeau de magnifiques lamas, fourrés et soyeux, à la fine tête dressée et aux oreilles décorées de rubans de laine rose, comme les couettes d'une petite fille gentille. Le boulot de Sisa c'est de faire pousser quelques pauvres tubercules dans ce sol aride, et donc d'aller puiser l'eau. Mais le puits est à sec. Au village proche? Au village où survivent quelques rares vieux, le puits est tari aussi. Tous les autres sont partis, vers le Nord, vers la ville. Reste la rivière, plus loin encore, au moins pour laver le linge et faire boire les lamas.
Il n'a pas plu depuis un an. Les villageois restant se réunissent. Le gouvernement pourrait faire creuser des puits? Non, il s'en fout le gouvernement, il est sourd aux requêtes. Mieux vaut alors faire le sacrifice d'un lama et répandre son sang sur le sol...
Virginio est fatigué; il a du mal à respirer dans ses longues pérégrinations pour mener le troupeau paître (ils bouffent quoi, les jolis lamas, des briques à la sauce cailloux?) Mais il ne veut pas voir de médecin, il ne veut pas se soigner, il veut vivre et mourir là, chez lui, comme le condor.
Son petit fils, la modernité incarnée (le nez dans le smartphone et il ne parle qu'espagnol) venue vivre avec eux peut bien tenter de fléchir l'irréductible ancêtre...
C'est beau, fort, troublant. C'est un monde pastoral qui disparait. Quel pauvre boulot ont ils trouvé, ceux qui sont partis dans le nord? A la tête de son troupeau Virginio était, à sa façon, un seigneur...