Lancer un troisième Jurassic Park, était-ce bien sérieux ? D'un strict point de vue industriel, la question ne se pose pas. La cote d'amour pour l'univers fut à peine entamée avec un The Lost World pas si mal que ça, donc rien ne s'opposait à la mise en chantier d'une nouvelle suite. Surtout pas Steven Spielberg qui passe la main à son collègue Joe Johnston. Michael Crichton fait de même et le scénariste David Koepp a pas mal de boulot ailleurs (Snake Eyes, Panic Room et un certain Spider-Man). Merci et bonne chance à la nouvelle équipe. Hélas, la chance n'aura jamais sa place dans la conception de ce Jurassic Park 3.
De multiples ébauches sont livrées, aucune n'est validée et au final la production est lancée...sans script. Ce qui se voit comme le nez au milieu de la figure. Oubliez les réflexions sur les dérives de la génétique ou l'hubris de l'homme, ici on se retrouve avec le pitch d'une série B comme basique (une mission sauvetage en terre hostile). Cela dénote tellement avec les deux premiers qu'elle pourrait aisément se passer de personnages cultes. Mais évidemment, c'est toujours mieux d'avoir des vétérans pour faire illusion, quoique le film amuse dans un geste méta (volontaire?) voyant Alan Grant revenir contre la promesse d'un gros chèque. Sam Neill s'enquiert du job et le fait très bien. De manière générale, la distribution y met de la conviction et c'est déjà beau. Compte tenu d'une écriture pas du tout inspirée voire carrément honteuse (l'introduction, le Robinson Crusoé junior), Joe Johnston a l'honnêteté de faire vite, à peine 1h30. Ça ne masque pas les nombreux trous de l'intrigue - un paquet, à vrai dire - par contre le long-métrage a la politesse de ne jamais être ennuyeux. Grand merci aux interprètes...et aux dinosaures.
On est très loin du spectacle hors-norme de Jurassic Park et à moindre niveau du Monde Perdu, cependant ça fait toujours un petit quelque chose de retrouver les ancêtres du cétacé. Ce troisième opus a le mérite de perpétuer cette tradition du mélange entre les effets en durs (animatroniques) et copie digitales. Ce n'est pas aussi bien éclairé, pensé ou mis en scène que les précédents, cela dit Johnston parvient à emballer quelques jolis petits morceaux. Aucun moment mémorable, mais rien de désagréable à l'exception d'un Tyrannosaure évacué sans sommation. On retiendra avant tout les séquences mettant en vedette les Pteranodons et le Spinosaurus, assez bien fichus. Par contre, les Vélociraptors c'est bien plus hasardeux. L'idée d'aborder ces animaux dans leur comportement, très bien. Mais d'une, le premier avait déjà largement traité la chose. Et de deux, si c'est pour les mettre au centre de scènes improbables (le cauchemar, la partie finale), ça remet durement les pieds sur terre.
Jurassic Park 3 n'est un exemple parmi tant d'autres de grosses productions handicapées et qu'on balance au front en dépit du bon sens. Qu'il existe est déjà un exploit, quand bien même le résultat est médiocre, et bien sûr complètement indigne des films signés Spielberg. On y gagne un divertissement à usage unique, passablement étourdi. On y perd l'âme, le propos et l'émerveillement. Le ratio est sans appel : si le projet était concret, le résultat ne fait vraiment pas sérieux.