Laura Wandel explique pourquoi elle a choisi de se centrer sur l'enfance dans son premier long métrage : "C'est le moment des premières découvertes, où la vie et les relations se vivent de manière très intense. C’est à ce moment que notre paysage intérieur se dessine et se construit. L’entrée à l’école influence ce paysage qui détermine bien souvent notre vision du monde en tant qu’adulte. En plus d’y apprendre à lire et à écrire, c’est surtout le rapport à l’autre qu’on y explore. J’ai donc choisi l’école, et surtout la cour de récréation, car c’est une micro-société. Dans l’école, il y a un véritable enjeu d’intégration."
En amont du tournage, Laura Wandel a observé des cours de récréation pendant plusieurs mois. La réalisatrice y a décelé une notion de territorialité : "En Belgique, la plupart des cours d’école sont occupées par des terrains de foot, ce qui laisse très peu d’espace pour ceux et celles qui n’y jouent pas. Dans une cour de récréation, chacun essaye de prendre sa place, mais ne dispose pas des mêmes forces pour le faire."
Très tôt, Laura Wandel a opté pour une mise en scène immersive pour être au plus près de ce que vit et ressent le personnage de Nora, afin que le spectateur se projette dans cette histoire et y projette des éléments de son propre vécu. La cinéaste explique :
"Le spectateur n’a accès qu’à ce à quoi Nora a accès. Il n’y a pas d’autre point de vue que le sien. Les limites du cadre délimitent la perspective de son regard. Tout est au service de Nora, de sa perception. Donc, dans le film, on ne perçoit que des bribes de corps, d’espaces, tout est diffus, à hauteur d’enfant."
"L’école est perçue comme une sorte de monstre qui peut avaler Nora. Cette sensation passe aussi par le son. Il n’y a rien de plus assourdissant qu’une cour de récréation, et ce bruit est aussi une forme de violence. Les enfants extériorisent leur joie, crient, ce qui est une façon de conquérir sa place."
Laura Wandel a tourné Un monde au cours des vacances scolaires, pendant vingt-cinq jours. L’école était vidée de ses élèves, et tous les enfants sont des acteurs et figurants (la plupart n’avaient jamais joué). "Ce film est une fiction. Tout a été mis en place, travaillé en amont, rien n’a été laissé au hasard", précise-t-elle.
Laura Wandel a trouvé Maya Vanderbeque via un casting où elle a vu une centaine d’enfants. La réalisatrice se souvient : "Maya avait sept ans, et je n’oublierai jamais ce qu’elle m’a dit en arrivant aux essais : « moi, je veux donner toute ma force à ce film »."
"Ça m’a énormément touchée. Pourtant, elle ne correspondait pas à l’image de Nora que je m’étais faite. Dans la vie de tous les jours, Maya est blonde avec de longs cheveux. Mais elle voulait tellement ce rôle, était si investie qu’elle a coupé ses cheveux sans problème."
"Lors du casting, je demandais aux enfants de dessiner leur cour de récréation et de me raconter les jeux auxquels ils jouaient. Cela suffisait pour observer leurs gestes, leur parole, ce que la caméra captait d’eux. J’ai tout de suite vu que quelque chose d’énorme se dégageait de Maya."
Laura Wandel a réalisé son précédent film, le court métrage Les Corps étrangers, avec le directeur de la photographie Frédéric Noirhomme qu'elle a à nouveau sollicité pour Un monde. Elle confie : "On a la même vision des choses, on aime coller à un personnage, travailler le hors champ. Il était harnaché avec une caméra à hauteur de Nora : il devait la suivre, s’adapter à elle, quoiqu’il se passe. J’étais à côté de lui avec un combo portatif et souvent, je dirigeais Maya (la comédienne qui joue Nora) en direct."
Avant le tournage, Laura Wandel a appris à Maya Vanderbeque à nager pour créer un lien fort avec la jeune actrice. La réalisatrice a aussi fait appel à deux coaches, dont une orthopédagogue, Perrine Bigot. Le travail avec les enfants a commencé très en amont du tournage. Laura Wandel se rappelle :
"Pendant trois mois, tous les week-ends, nous avons travaillé avec les enfants. A aucun moment, ils n’ont lu le scénario. Il y avait plusieurs groupes de travail pour construire le lien frère/sœur, la relation entre les amies, la dynamique au sein du groupe de copains mais aussi un grand groupe qui les réunissaient tous."
"A travers des jeux, on les a habitués à la caméra, à travailler leurs émotions sans être dévorés. Puis nous leur expliquions le début d’une situation pour improviser. Enfin, ils dessinaient la scène, comme un story board enfantin. Au moment du tournage, on ressortait les cartons et ainsi, ils savaient très bien quoi jouer."