Claire Simon a été bouleversée par ce projet de monter une télévision à Lussas, un village de 1100 habitants, ainsi que par Jean-Marie Barbe, qui se bat pour que le cinéma documentaire existe. La réalisatrice précise :
"Mais je ne l’aurais pas fait s’il n’y avait pas le béton, aller du projet d’une plateforme sur Internet jusqu’au projet d’un bâtiment en dur, d’un coût de 3 millions d’euros. Et j’ai été impressionnée que ça marche, impressionnée par la puissance du béton. Moi-même, je l’ai éprouvée, me disant aussi que c’est le seul endroit au monde où cela existe : un bâtiment pour le documentaire. En ce qui concerne le scénario, c’est proche de quelque chose que j’ai déjà vécu avec Coûte que coûte (1995), qui suivait les tribulations d’une petite entreprise de plats cuisinés : est-ce que ça va marcher ? La réponse est ici différente : ça marche parce que ça existe, parce qu’il y a le bâtiment. C’est une affaire de croyance, d’incarnation, qui est peut-être un des fondements du capitalisme."
Pour Claire Simon, un village constitue une aubaine de microcosme mais un château-fort difficile à conquérir et à pénétrer profondément. La cinéaste explique : "Pour satisfaire ma curiosité, mon passeport a été le scénario économique. Comment parvient-on à faire ce qu’on aime et à en vivre qu’il s’agisse de fruits, de vin, de cinéma ? J’avais l’impression tout au long des 4 ans de ce tournage que les mêmes problèmes se posaient aux agriculteurs et aux diffuseurs, créateurs de documentaire. Et c’est cet intérêt qui m’a permis d’entamer le dialogue…. Car sinon, chacun sait bien qu’un village se ferme vite aux questions et au regard de l’étranger, on le trouve vite intrusif… Sauf…. Sauf si on parle de ce qui tient chacun debout du matin au soir. Est-ce qu’on s’en sort ? Est ce qu’on peut aujourd’hui gagner sa vie en faisant ce que l’on trouve beau et bien ?"
Le film montre comment l’économie décide de tout, et comment elle est la langue commune de ces deux activités qui semblent si différentes. Claire Simon développe : "Comment les vies des uns et des autres se parlent en chiffres et s’interrogent continuellement autour des mêmes questions : Est-ce qu’on va tenir ? Est-ce qu’on va avoir du succès ? Comment y arriver ? À quel prix ? Selon quels partis pris ? Toutes ces interrogations, qui impliquent beaucoup d’engagement dans le travail, de souffrance et de joie, créent des rapports de force qui s’expriment à voix haute. Certains partent, se fâchent, d’autres pleurent. Parfois on danse !"
"Puis reviennent les questions : Est-ce que la plateforme Tënk marche ? A-t-elle assez d’abonnés pour survivre ? Est-ce qu’on va réussir à produire des films à Lussas et à en coproduire à l’étranger alors que la Région s’est totalement désengagée ? Ces questions font passer le spectateur d’une minute à l’autre dans l’inquiétude. Il a l’impression d’être devant des gens qui rêvent, peut-être même des imposteurs et puis finalement non, ils y arrivent et triomphent de l’adversité… Puis hélas, de nouveau des mauvaises nouvelles arrivent, subventions retirées, pas assez d’abonnés et donc pas d’argent, etc. Comment continuer ? C’est la question qui revient sans cesse."