Le réalisateur a eu un coup de cœur pour le scénario de Cyril Gély, qui était dès le départ écrit pour Line Renaud : “Je l’ai lu d’une traite dans un train et j’ai terminé mon voyage en larmes... Nous sommes toutes et tous confrontés un jour à cette question : comment les choses vont-elles se passer pour nos parents quand ils vont devenir vieux ?” Christian Carion a ensuite adapté le scénario d’origine et a approché Dany Boon, qu’il avait déjà dirigé dans Joyeux Noël en 2005, pour lui proposer le projet. Il souligne avec humour : “En fait, Une belle course, c’est un peu la «Ch’tis connexion» parce que nous sommes tous les 3 originaires du Nord de la France !”
Line Renaud et Dany Boon avaient déjà tourné ensemble dans trois comédies de ce dernier : La Maison du bonheur, Bienvenue chez les Ch'tis et La Ch'tite famille. Avec Une belle course, Christian Carion souhaitait emmener ce duo vers une autre direction, à l’instar du rôle qu’il avait confié à Dany Boon dans Joyeux Noël en 2005. À l’époque, le comédien redoutait de dérouter son public, comme le rapporte le réalisateur : “À l’époque, je lui disais qu’il faisait partie de ces acteurs capables de nous faire rire et de nous émouvoir, comme Bourvil. Dany me répondait que gamin, lorsqu’il avait vu Bourvil dans Le Cercle Rouge, il avait été déçu…” Quand Une belle course s’est présentée à lui, Dany Boon se sentait désormais prêt à explorer d’autres registres : “Des rôles comme ça, on ne m’en propose pas”. Quant à Line Renaud, Christian Carion l’a rencontrée via Boon à l’avant-première de Joyeux Noël mais n’avait jamais travaillé avec elle. “Je crois qu’avec Line, nous avions comme un rendez-vous à honorer…”
Christian Carion revient sur le lien extrêmement fort entre Dany Boon et Line Renaud : “je sais que ce qui les unit est assez unique. Il y a entre eux les mêmes origines modestes à Armentières, le même « rêve américain » en quelque sorte. Je sais que cette histoire n’est pas anodine pour eux deux... C’est une alchimie assez rare dont il faut se servir car elle est aussi jubilatoire. Les filmer, c’est d’abord être spectateur !” Alors qu’elle vivait à l’époque à Las Vegas, Line Renaud avait entendu parler d’un jeune humoriste originaire du Nord qui faisait des débuts remarqués. Elle avait décidé de lui envoyer un télégramme pour le féliciter : “Ça a été notre premier contact, à distance. Ensuite, je suis allée le voir quand il jouait sa pièce La Vie de chantier et c’est à ce moment, dans sa loge, que nous avons vraiment fait connaissance…”
En lisant le scénario, Line Renaud a affirmé au réalisateur qu’il s’agissait de son film testament. “Il y a dans ce film des choses qui croisent totalement son chemin de vie. C’est troublant pour elle comme pour nous... Je pense qu’à travers son personnage, Line nous lâche des choses, des impressions, des émotions… J’ai vu en tournant qu’elle se laissait porter et traverser par ses propres souvenirs. Elle est d’une sincérité et d’une vérité exceptionnelles... ” raconte le réalisateur. L’actrice renchérit : “Je crois que c’est le plus beau rôle qu’on m’ait offert... C’est aussi celui qui me ressemble le plus. Vous savez, j’ai 94 ans cette année, soit le même âge que Madeleine, mais ce n’est pas notre seul point commun... Comme elle, je suis passée par des choses de la vie qui ont été fortes, parfois rudes. [...] Madeleine, c’est ma mère, ma grand-mère et même mon arrière-grand-mère…”
Afin d’offrir des conditions de tournage optimales à Line Renaud, le réalisateur ne la faisait tourner que l’après-midi, avec une loge à quelques mètres du plateau aux studios de la Montjoie près de Paris. Une fois prête, le réalisateur lui faisait écouter des chansons qu’elle apprécie puis elle se rendait sur le plateau.
Toutes les scènes du taxi roulant dans les rues de Paris et sa banlieue ont en réalité été tournées en studio. L’équipe s’est vite aperçue qu’il serait très compliqué de tourner dans les rues de la capitale et d’imposer à Line Renaud de faire et refaire des scènes dans les embouteillages. C’est Pierre Cottereau, le chef opérateur du film, qui a proposé à Christian Carion d’utiliser un système d’écrans LED qu’il venait d’expérimenter sur un projet pour Canal+. Cette technologie permettait de projeter sur un écran les paysages et la route.
À l’inverse d’un fond vert retravaillé en postproduction, les acteurs pouvaient visualiser ce qui se passait autour d’eux. Le réalisateur revient sur le processus en détail : “Nous avons installé des écrans 4K avec une définition de dingue en forme de “L” autour du taxi en studio, sur lesquels nous avons diffusé pendant le tournage tout le trajet qu’emprunte le taxi. Trajet que nous avions filmé avant sous tous les angles et tous les axes grâce à un camion plateforme avec de multiples caméras… Cela concerne même le ciel car nous avions un autre écran, celui-là face au véhicule, qui nous ramenait de la lumière sur le pare-brise et ramenait de la vie à l’intérieur de l’habitacle…” Les comédiens étaient entourés d’écrans de 3 mètres sur 8. Près de la moitié des séquences d’Une belle course ont été filmées grâce à ce dispositif.
Alice Isaaz interprète le personnage de Madeleine jeune. Christian Carion l’avait déjà dirigée dans En mai, fais ce qu’il te plaît. Il a organisé un dîner entre elle et Line Renaud pour qu’elles se rencontrent. “Line était très demandeuse de cela... Ça a matché immédiatement entre elles, comme une évidence”.
C’est Alice Isaaz qui a conseillé au réalisateur le nom de Jérémie Laheurte, pour le rôle de Ray, le mari violent de la jeune Madeleine. Christian Carion ne le connaissait pas et le comédien n’était pas dans son assiette lors de leur première rencontre car sa grand-mère venait de partir à l’hôpital pour des examens. De plus, le réalisateur apprend qu’il vient régulièrement en aide à une de ses ex petites amies, victime de violences conjugales. “À ce moment, j’arrive à une conclusion terrible mais logique : il ne doit pas faire ce film ! C’est trop lourd... Il m’a dit qu’au contraire il était bien placé pour incarner ce personnage et j’ai décidé de lui faire confiance [...]”