Neneh Superstar : les secrets du tournage

Ramzi Ben Sliman a précédemment réalisé un court métrage sur le hip hop pour le site internet 3e Scène - Opéra national de Paris. Le réalisateur explique d'où lui vient cet intérêt pour la danse : "Il m’est arrivé par deux biais différents. J’ai découvert la danse classique en accompagnant ma fille au Conservatoire, puis en l’emmenant voir des ballets, et j’ai également grandi dans l’univers hip-hop du début des années 2000. L’idée d’en faire un sujet de cinéma m’est donc venue assez naturellement."

En amont du tournage, Ramzi Ben Sliman a dessiné le personnel de l’école de manière réaliste. Par ailleurs, chaque phrase prononcée par ces derniers est une phrase puisée dans une documentation approfondie. Il a aussi regardé de nombreux documentaires, notamment Graines d’étoiles de Françoise Marie, qui a filmé les élèves et les cours. Le cinéaste se rappelle :

"J’y ai puisé l’inspiration pour certains professeurs... Des vidéos de Claude Bessy (directrice mythique de l’École de Danse de 1972 à 2004) m’ont aidé aussi à fixer des attitudes, des répliques.... Pour le linoleum et le parquet posés sur le sol des studios, nous sommes allés en catimini à l’Opéra voir à quoi ils ressemblaient pour les reconstituer...

"J’ai lu aussi une thèse de sociologie (Entrer dans la danse. L'envers du Ballet de l'Opéra de Paris de Joël Laillier, CNRS Éditions) sur le recrutement des jeunes élèves de l’École de Danse, c’était assez parlant..."

Neneh Superstar traite plus spécifiquement de la danse à l'Opéra de Paris. Le metteur en scène Ramzi Ben Sliman explique : "En tant que spectateur, j’ai été emporté par mon émotion. En tant que cinéaste, je m’aperçois que les gens, à l’Opéra, ont une relation très décomplexée à un certain canon du corps."

"On y parle de poids, de carnation, de formes, de lignes, sans tabou. Je voulais montrer aussi cela. Cette notion, qui perdure, d’un besoin de conserver des normes physiques. Mon film est optimiste, et n’est pas une attaque frontale contre l’institution, mais une preuve d’admiration et de fascination."

Avant d’incarner le rôle principal de la jeune Neneh, Oumy Bruni Garrel a joué dans La Croisade réalisé par son père Louis Garrel (2021) et Les Estivants de sa mère Valeria Bruni-Tedeschi (2019). Née au Sénégal, elle pratique la danse classique, contemporaine, jazz et hip-hop.

Maïwenn campe la directrice d'école inflexible dans son refus d'engager Neneh, et qui soudain va révéler des fêlures personnelles. Ramzi Ben Sliman a écrit le film pour la comédienne : "Je n’ai envisagé aucune autre actrice, et son film ADN a confirmé mon choix."

"À l’inverse de ce que j’ai fait pour moi, je lui ai demandé de ne pas se documenter sur le monde de la danse et de me faire confiance. Et j’ai fait de même avec les autres acteurs. Je voulais mettre en scène mon point de vue. Ensuite, Maïwenn a réalisé tout un travail sur elle."

"Elle a perdu du poids, appris à se tenir très droite, à adopter une certaine raideur... Il y a pour moi, dans ce personnage de Marianne / Myriam, un travail de deuil sur soi, et une symbolique sur la transmission de la souffrance", se souvient le metteur en scène.

Pour trouver l'interprète de Neneh, Ramzi Ben Sliman a cherché en France et notamment dans les DOM-TOM, dans tous les pays francophones, au Mali, au Sénégal, etc. Le cinéaste a trouvé des filles ayant un potentiel de comédienne, mais qui ne dansaient pas assez bien :

"Et là, j’ai pris conscience de cet autre plafond de verre : les petites filles noires abandonnent la danse classique très tôt, parce qu’elles n’y voient aucun avenir pour elles. Nous étions en plein Covid, la situation devenait tendue", se remémore le réalisateur, en poursuivant :

"Et finalement, alors que nous « castions » les autres petites filles principalement issues de deux cours de danse dans Paris, toutes me parlaient de la même danseuse, croisée dans les cours et les concours. C’était Oumy Bruni Garrel. L’entretien filmé s’est vite avéré convaincant."

"Elle crevait l’écran, vraiment. Elle m’expliquait aussi qu’elle avait été aux manifestations en soutien à George Floyd, qu’elle souffrait parfois d’être noire dans le milieu de la danse classique. J’ai compris, alors, qu’elle avait de quoi construire et interpréter le personnage de Neneh."