Bruno Chiche venait de terminer le tournage de L'un dans l'autre (2017) lorsque son producteur et ami Philippe Rousselet lui a demandé ce qu'il envisageait pour la suite. Le réalisateur a alors eu envie de raconter l’histoire d’un père et son fils âgés : "Et il m’apprend qu’il a pris une option sur les droits de remake de Footnote du réalisateur et scénariste israélien Joseph Cedar dont je pourrais m’inspirer."
"Je regarde le film et je trouve effectivement qu’il y a quelque chose, en tout cas un biais à travers le postulat, un quiproquo qui va mettre en porte - à-faux un fils vis-à-vis de son père, et il y a surtout la thématique du dépassement. Je ne me voyais pas me lancer dans un remake, d’autant que dans le film de Cedar, les deux personnages sont des chercheurs universitaires qui travaillent sur la Torah."
"Puis, comme je suis passionné d’histoire, je bifurque sur un père et un fils historiens dont l’un des deux recevrait le prix Beaumarchais. Je pitche le projet à une amie chanteuse lyrique qui me dit que c’est l’histoire de son beau-père et de son mari... Tous deux chefs d’orchestre qui rêvaient de jouer à Bayreuth. J’ai immédiatement appelé Philippe Rousselet pour lui dire que je tenais le sujet", se souvient le cinéaste.
Bruno Chiche est passionné de musique classique depuis de nombreuses années. Pour le scénario, il s'est inspiré de plusieurs biographies. Le metteur en scène a également lu un livre d’entretiens entre Haruki Murakami et Seiji Ozawa, De la musique, conversations, ce qui l'a beaucoup aidé :
"C’est là-dedans que j’ai trouvé l’anecdote racontée dans le film sur les sifflements à la Scala. Et il est vrai que Seiji Ozawa, qu’on aperçoit dans Maestro(s), est devenu un fil rouge dans le film. Et puis, grâce à Pascale, j’ai rencontré Anne Gravoin pour coacher Caroline Anglade et Caterina Murino au violon."
"Ça a été le début d’une collaboration magnifique dans laquelle nous a rejoint Nicolas Guiraud. Nous avons passé des soirées entières à parler Musique. C’est Anne et Nicolas qui ont composé les orchestres qui sont filmés, Nicolas a fait tous les arrangements musicaux de Maestro(s)", explique-t-il.
Bruno Chiche collabore pour la première fois avec le directeur de la photographie Denis Rouden. Le cinéaste lui avait demandé de bannir toute machinerie du plateau : "Pas de travelling, pas de grue... Que son épaule !... Qu’il a fort haute, il mesure deux mètres."
"Il m’a d’abord pris pour un dingue et puis, après deux jours de réflexion, il a relevé le défi et s’est pris au jeu. D’abord, cela nous a permis de finir dans les temps. Mais surtout, de cette contrainte en est sorti un parti pris de mise en scène assez libre, favorisant des plans séquence."
"Je suis heureux de ce côté un peu “reportage” qui casse l’image un peu classique qu’aurait pu avoir le film. La musique classique est généralement affiliée à un art bourgeois et je ne voulais surtout pas faire un film bourgeois", se remémore Bruno Chiche.
En élargissant les rapports père-fils à ceux avec le petit-fils (joué par Nils Othenin-Girard), Bruno Chiche a voulu traiter la filiation sur trois générations. En ce sens, Maestro(s) s’avère être le film le plus personnel du réalisateur, qui développe :
"Yvan a mon âge, Pierre a un peu moins que mon père, et j’ai un fils du même âge que Nils dont le personnage, dans une première version du scénario, se prénommait même Léonard comme mon fils."
"Ajoutons à cela que Pascale Arbillot, qui joue l’ex de Denis, est la mère de mon fils. Yvan, qui a lui-même un fils un peu plus âgé que Nils, m’a confié qu’il avait l’impression de ne pas venir sur un tournage mais à une séance de psychothérapie de groupe !"
Yvan Attal et Pierre Arditi ont collaboré sur Les Choses humaines (2021), un drame réalisé par le premier. Le second y incarne un célèbre homme de radio qui est le père du jeune accusé de viol.
Pour se préparer, Yvan Attal a travaillé avec le chef d’orchestre Frédéric Chaslin. L'acteur a également regardé beaucoup de vidéos sur le Net. Puis, sur le plateau, il a écouté les conseils du chef d’orchestre Nicolas Guiraud, dont la mission était aussi de conseiller Pierre Arditi. La violoniste Anne Gravoin coachait, quant à elle, Caterina Murino et Caroline Anglade :
"Il n’y a pas de gestes spécifiques. On a des clichés dans la tête, mais pas un seul chef d’orchestre n’a la même gestuelle. Tout est une question de personnalité : comment dirige-t-on des musiciens ? Il est arrivé à Leonard Bernstein de travailler sans baguette et de ne diriger qu’avec les yeux. Les mains sont importantes bien sûr, ne serait-ce que pour marquer les temps."
"Mais ce qu’il faut savoir c’est qu’un chef d’orchestre est forcément en avance sur ses musiciens puisque ceux-ci doivent le suivre... C’est le principe. Lorsque l’on interprète un maestro, on a tendance à suivre la musique que l’on entend plutôt que la précéder... C’est un petit piège qui demande une certaine concentration pour l’éviter...", se rappelle Yvan Attal.
Pierre Arditi a déjà été en couple à l'écran avec Miou-Miou, comme s'en rappelle le comédien : "On a effectivement été « maqués » plusieurs fois. D’abord dans un téléfilm, Une vie comme je veux de Jean-Jacques Goron, il y a plus de trente ans, où on s’est immédiatement et admirablement bien entendu. Ensuite on s’est retrouvé pour Le Grand Alibi de Pascal Bonitzer. Et là, à nouveau en couple de grands bourgeois (ce qui n’est pas une tare) dans Maestro(s)."
Pierre Arditi a accepté le rôle de François pour plusieurs raisons, comme il l'explique : "J’ai accepté parce que j’allais enfin travailler avec Bruno Chiche, effectivement parce que j’étais heureux de retrouver Yvan avec qui je m’étais très bien entendu sur Les Choses humaines, mais aussi parce que le personnage de François est beau."
"Il est complexe, a un côté antipathique et c’est très bien ainsi car je ne voulais pas l’interpréter comme un homme charmant, et puis c’est un homme blessé. On le sent particulièrement vers la fin, dans cette séquence très forte face à son fils. Bref, si je n’avais pas accepté ce rôle, il aurait mieux valu que je change de métier."