Quand Fincher rate sa cible...
Vu sur Netflix :
THE KILLER
de David Fincher
Avec Michael Fassbender, Tilda Swinton etc...
Vous dire que je l'attendais avec impatience, est un doux euphémisme. Un Fincher directement sur NETFLIX ! Ouahhhh ! C'était Noël avant l'heure !
La déception est à la hauteur de l'attente. Les déceptions en fait. Il y en a plusieurs.
Dès les premières images, c'est la patte de Fincher. Montage séquencé, hypnotique (?).... Musique électro.C'est très bien. Et aussi très vu. La présentation du film commence comme celle de FIGHT CLUB. Étrangement, elle paraît datée. La musique est toute autre. Ce n'est plus les Pixies mais les Smiths. M'en fous j'aime les deux groupes.
On est malgré tout en terrain connu, ce qui rassure le spectateur lambda. On se rassure comme on peut. Moi j'avoue que déjà un doute m'habite (une spéciale pour Sébastien Baud ).
Je ne vais pas atomiser le film mais tout de même.
Ça a beau être signé FINCHER... C'est tout de même franchement moyen et sans aucune originalité. Le pire c'est que l'ennui prime au moment des scènes d'action et que le cinéma Fincherien Pulp et subversif tant à sérieusement se la péter. Peut-être pas au meilleur moment de sa carrière.
Le scénario est minimaliste: un tueur à gages rate sa cible. On s'en prend à sa gonzesse, il est vénère alors le voilà en mode John Wick, plus cérébral, tout aussi méthodique.
L'histoire démarre sur les moyeux de roue.
On est dans la tête du tueur. On partage des pensées aussi captivantes qu'un meurtre a lieu toutes les deux secondes, 80 naissances toutes les... Il pouvait tout aussi bien nous servir la problématique majeure de savoir si'un putain de pain au chocolat c'est une chocolatine ? De monologue en monologues, on va se taper toutes les pensées abscons de l'assassin froid.
Puis le gus, incarné par un Michael Fassbender, mutique, les mâchoires crispées, disserte sur l'art du tireur couché, de la pression artérielle, de la pression de l'index sur la queue de détente. Que de pression ! ( Rendez-moi le Samouraï de Melville avec Delon !)
On ne sait rien de qui il vise. D'ailleurs il s'en branle. Et il nous l'assène. On en saura pas beaucoup plus.
C'est un tueur. Point barre. C'est un contrat. Ok.
On sent le pro du ramassage d'âmes, l'orfèvre de la bastos plein front, l'artiste de la gâchette. Inspiration. "Pan !"
Il foire son tir comme mon pote Dédé au stand de tir sur ballon de la kermesse de Saint-Étienne de Purasson. Le Dédé a éclusé plus de bières qu'un belge assoiffé. Il a l'excuse des semelles à bascule. Notre mec est étonné de sa bévue. Il vient de découvrir médusé que la perfection ne peut être humaine, même dans le crime. En lieu et place d'une cible compostée, il a perforé le nibard siliconé d'une femme de petite vie passant benoîtement devant une baie vitrée.
De cet événement va découler l'histoire de The Killer. Un ratage entraîne son lot de mésaventures.
Chaque acte manqué peut avoir des conséquences désastreuses. C'est un mantra pour le Killer.
Je ne vous spoile pas plus. Il reste si peu à découvrir.
C'est un Fincher sans saveur. Sans sel, sans poivre sans rien de plus que la maîtrise du cadre. Même Fassbender semble échappé du musée Tusseau. Énigmatique ? Non hermétique. Il traîne son spleen de tueur contrarié, sorte de Droopy sous Tranxen et dangereux.
Le scénario est d'une telle pauvreté que je ne saisis pas toutes ces critiques enjouées. Ça tient sur un ticket de cinoche.
On suit sans déplaisir la quête rédemptrice du Tueur, mais sans non plus se poser question sur ce que Fincher nous sert. C'est diviser en chapitres. Sans déconner ? Fincher ne doit pas avoir un film depuis quinze ans ?!!
Les chapitres se terminent aussi nonchalamment que le tueur bute ses cibles. C'est le porte-flingue de la DDE. Pas une once de fioriture. On en vient à regretter le Tom Cruise de Michael Mann.
Quelque chose cloche dans chaque scène.
À un moment je me suis demandé si même Fincher ne s'emmerdait pas autant que moi. La scène avec Tilda Swinton est pathétique.
Fincher a repris le bob du tueur incarné par Brad Pitt dans Bullet Train.
C'est une succession de saynètes au mieux regardables au pire mauvaises ( la scène du milliardaire/commanditaire est nulle... Fincher fait un énième clin d'œil à son magistral FIGHT CLUB, tout en le depossédant de sa fin radicale pour nous en offrir une nouvelle manichéenne, raisonnée et insipide). Les milliardaires sont des gens normaux c'est juste qu'ils ne comprennent pas la dangerosité de leurs actes. En moins de deux heures, le tueur à sang froid est devenu une énième carpette humaine juste bonne à se révolter quand un réseau social de merde puisse leur demander de raquer.
La fin est au diapason de cette oeuvre largement oubliable. J'ai été obligé de la regarder deux fois pour être certain que ce n'était pas une blague.
Le tueur nous sert un discours que ne renierait pas Michel Onfray, en sirotant un cocktail devant un coucher de soleil magnifique. Sa belle plante, miraculeusement indemne, bronzant lascivement. C'est beau comme une publicité de voyage.
Quelle terrible déception.