L’île d’Irlande est partagée en 1921. Six des neuf comtés de la province d’Ulster forment alors l’Irlande du Nord, demeurant au sein du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord. Le reste devient l’État libre d’Irlande, puis la République d’Irlande, ou l’Eire en irlandais, en 1949.
En 1967, l’Irlande du Nord connaît d’importants troubles politiques et civils motivés par un désir d’égalité des droits pour la minorité catholique qui subit encore des discriminations, notamment en termes d’emploi et de logement. En août 1969, la violence s’empare de Belfast, sa capitale. De nombreuses familles de la classe ouvrière quittent, volontairement ou sous la contrainte, leur maison, alors que s’opère la plus brutale division de population depuis la Seconde Guerre mondiale. Le nord de Belfast a été le plus frappé et le plus meurtri du pays, et ce surtout chez les civils.
Kenneth Branagh décrit Belfast comme son film le plus personnel. Il lui a fallu 50 ans pour trouver comment raconter son enfance et la période tumultueuse que traversait Belfast à cette époque.
Kenneth Branagh a débuté l’écriture du scénario durant le premier confinement lié à la pandémie de Covid-19, en 2020. « Alors que je revisitais cette histoire, je me suis rendu compte qu’il ne s’agissait pas seulement de celle d’un petit groupe très familier dans une situation difficile, devant faire des choix de vie, mais aussi de celle d’un confinement, derrière les barricades dressées dans les rues en 1969, en proie aux contraintes qui s’intensifiaient autour d’eux et à la nécessité de faire un choix : rester ou partir. Ces circonstances trouvaient un nouvel écho dans la situation liée au Covid-19 : le confinement et la peur pour sa propre sécurité et celle des siens. »
À l’instar de Pedro Almodóvar pour Douleur et gloire, Kenneth Branagh qualifie Belfast d’auto-fiction, car il a puisé dans sa vie tout en la romançant : « Je raconte l’histoire à travers le regard d’un petit garçon, Buddy, qui est une version filmique de moi. Les expériences qu’il vit, il les passe au filtre des nombreux films, programmes télévisés et autres histoires auxquels il est exposé. Ces images de cinéma ont eu un effet considérable sur le développement de mon imaginaire, et je voulais qu’il en soit de même pour Buddy. […] il est évident que ce que voit Buddy n’est qu’approximativement ce que j’ai vu, mais il y a une sorte de réalité poétique qui en émerge et qui est elle authentique. Je crois que c’est la source de toute création dramatique. Le point de départ de tout ce que l’on voit dans le film, c’est l’imagination d’un garçon de 9 ans. »
Trouver l’interprète de Buddy a été l’un des éléments primordiaux de la pré-production. Grâce à Game of Thrones, tournée en Irlande du Nord, l’équipe savait qu’il y avait déjà une base solide pour effectuer le casting. Pas moins de 300 garçons ont été auditionnés. Cette liste fut réduite à 30, puis à 12, et enfin à quelques garçons qui auditionnèrent en Zoom pour arriver au choix final, Jude Hill. À son sujet, Kenneth Branagh explique : « on a trouvé un garçon dont le talent était prêt à éclore mais qui s’amusait encore comme n’importe quel enfant. C’était aussi important pour lui de jouer au foot que de tourner dans le film, et c’est ce qu’on voulait. Il prenait cependant son travail très au sérieux, il arrivait préparé et était très attentif. »
Kenneth Branagh tenait à avoir des acteurs authentiques : « Caitríona Balfe, qui interprète la mère, est née à Dublin mais elle a grandi à la frontière de l’Irlande du Nord et elle comprend le jargon aussi bien que l’importance de la famille au sens large. Jamie Dornan, le père, est un petit gars de Belfast, il est né tout près. Ciarán Hinds, le grand-père, a grandi à moins de 2 kilomètres d’où j’ai grandi. Judi Dench a du sang irlandais dans les veines, sa mère venait de Dublin, et comme on le sait, elle peut tout faire. »
Fréquente collaboratrice de Kenneth Branagh, Judi Dench a joué sous sa direction au théâtre et au cinéma. Pour Belfast, le metteur en scène lui a apporté le scénario chez elle : « Ma vue n’est plus assez bonne pour lire. Ken m’a lu l’intégralité du scénario d’une traite. »
Kenneth Branagh a fait appel au chef décorateur Jim Clay avec lequel il a déjà collaboré sur trois de ses films : Mort sur le Nil, Artemis Fowl et Le Crime de l’Orient-Express. En raison de la pandémie, il était impossible d’investir une rue entière et de demander aux habitants de prêter leurs maisons. L’équipe a donc investi un énorme terrain vague à l’aéroport de Farnborough, dans le comté d’Hampshire en Angleterre, où tout a été reconstruit. « Ça semble fou d’avoir construit l’intégralité de notre décor au bout d’une piste d’atterrissage, avec des vols journaliers, mais c’est la vérité ! On a aussi pu utiliser une école voisine pour les scènes de classe et d’hôpital », révèle Jim Clay.
Kenneth Branagh explique le choix de tourner en noir et blanc : « J’ai grandi avec le noir et blanc et la couleur. Plus tard, j’ai appris qu’il existait un "noir & blanc hollywoodien", avec une patine plus soyeuse, plus veloutée qui rendait tout plus glamour. C’est ce que j’ai voulu utiliser parce que, dans le regard d’un enfant de 9 ans, ses parents sont des stars de cinéma et tout est plus grand, plus beau que nature. […] C’est un paradoxe étrange de gagner en authenticité avec un traitement poétique de l’image. Je voulais que ce "noir et blanc hollywoodien" participe à la mythologie de cette histoire, qu’il donne à l’environnement le plus commun une dimension épique et glamour. »
À l’origine, la musique du film devait compiler des tubes de la fin des années 60, mais Kenneth Branagh a rencontré l’auteur-compositeur-interprète originaire de Belfast, Van Morrison, et sa musique a peu à peu pris une place prépondérante dans le film pour finir par constituer l’intégralité, ou presque, de la BO, avec 8 titres précédemment enregistrés et un spécialement composé pour Belfast, ainsi que plusieurs morceaux instrumentaux.